La France à bicyclette : de Limoges au Mont Ventoux avec une incursion Pyrénéenne
Ce récit est le mien. il est le plaisir de revivre ces quelques jours d’un autre quotidien. Ce récit est libre.
Jour 0 – Vendredi 9 juillet 2021
Le train des retrouvailles
Vendredi 9 juillet 2021
J’attends devant la gare d’Austerlitz. Un flux de voyageur défile devant moi, des vacanciers, des travailleurs, des habitués, des gens errants, des touristes …
Je retourne dans la gare pour la seconde fois en direction des écrans d’affichage des trains au départ. Le train pour Limoges est affiché voie 15, train à l’heure. Il est 18h25, départ dans 15 minutes. Thibault est allé chez lui après sa journée de travail, ça va être serré ! Je communique le numéro de voie à Thibault et je m’engage dans la gare. En arrivant au train Thibault arrive dans mon dos et me salue. Plaisir intense de se retrouver, la dernière fois c’était aussi à une gare, la même d’ailleurs, c’était il y a un tout petit peu moins d’un an. Nous nous dirigeons vers notre wagon, nous discutons intensément, de ce qui nous attends, nous nous partageons notre motivation. Nous sommes heureux d’être là, ici et maintenant. Tout est au beau fixe.
Quelques heures auparavant, j’étais dans le train TER pour rallier Paris depuis Lille. Choix de dernier moment. Je réfléchissais à la possibilité de rejoindre Paris à vélo, néanmoins il faut savoir parfois rester raisonnable. Mais prendre le train avec un vélo me semble toujours une épreuve, épreuve de réserver un billet dans un train qui accepte les vélos, épreuve de payer 10 € pour le vélo, épreuve de devoir éventuellement démonter le vélo, épreuve d’avoir à surveiller le vélo dans le train, épreuve de l’incompréhension de certain de voir des vélos dans les couloirs quand il n’y a plus de place dans l’espace vélo …
Finalement avec le TER, je trouve un compromis acceptable selon mes conditions. Le trajet est en deux temps, j’ai un changement de train à Amiens. J’ai noté que la population et les classes sociales qui ont voyagé avec moi ont évolué. Concernant la population dans le train celle ci n’a fait qu’augmenter, cependant ayant toujours été au début des trajets, j’ai pu profiter d’une place dans l’espace vélo et d’une place assise. Concernant la classe sociale, celle-ci s’est appauvri au fur et à mesure que nous approchions de Paris. Quels sont mes critères pour affirmer cela ? Des travailleurs pauvres, des gens marqués physiquement, des gens ayant peu de savoir être dans le voyage en train, discussion au téléphone en parlant fort, style vestimentaire est un marqueur de classe également.
Se voyage n’est pas si facile, c’est un passage obligé, c’est un passage qui me fera apprécier le reste du voyage, installer dans un siège métallique sur la terrasse d’une boulangerie de campagne.
Mon train m’amène à la gare du Nord, je suis en terrain connu, mon objectif est de rejoindre prestement la gare d’Austerlitz et de me poser en terrasse. Je file dans Paris, Je me sens comme un cachet d’aspirine effervescent, je suis happé par la ville, le bruit, le monde, les voitures, les vélos, les trottinettes, les immeubles, le goudron, les rues, les sirènes de police, les sirènes de pompier, les taxis… mon énergie se dissipe dans ce grand bassin. C’est la première fois que j’ai cette sensation dans Paris, je me découvre en train de devenir un provinciaux !
Je passe la Seine, aperçois Notre Dame de Paris, aperçois, aussi, la magie de la Capitale, les boulevards, l’architecture Haussmannienne, les allées arborées, les parcs, les lieux de culture, les lieux d’apprentissage, la complexité de l’interaction, le flux humain, les terrasses et les cafés parisien.n.es, les grandes places Parisiennes, Bastille, Italie, République … l’Histoire des gagnants et des perdants, des batailles pour la liberté, pour l’égalité et pour la fraternité, des places de rassemblements.
Je passe la Seine, je me démène sur le grand carrefour en face le muséum d’histoire naturelle dont la circulation des vélos a été modifier, et me voila devant la gare d’Austerlitz. J’ai trois missions, retirer de l’argent liquide, trouver un café en terrasse, acheter une collation pour le soir.
Je m’installe au « café maison » et je mange une grosse tartine végétarienne avec un perrier, je prends mon temps. La ville est un peu plus apaisé, je me sens un peu plus apaisé.
Avant de quitter Lille, j’ai acheté le hors-série de l’Équipe sur le Mont Ventoux.
J’envoie un message à ma sœur parisienne pour peut-être la croiser j’ai deux heures de disponible devant moi. Elle n’est pas disponible, nous en profitons pour avoir un petit échange téléphonique.
Je règle l’addition, la première d’une longue liste !
Et c’est ainsi que je me suis trouvé posté devant la gare d’Austerlitz sur un plot béton en attendant Thibault.

Nous montons les vélos dans le train, l’espace vélo a été totalement réaménagé, c’est beaucoup plus pratique pour le passage dans le wagon. Un vélo est déjà accroché. Nous sommes sensés avoir nos place assises dans un autre wagon, nous préférons nous installer sur les strapontins juste en face les vélos, l’aventure commence maintenant.
Nous discutons vivement, un peu comme si nous souhaitions faire une mise à jour des différents sujets qui nous ont traversée depuis un an, un long moment sur le travail, sur les projets personnels, sur nos réflexions, et puis sur le périple qui nous attends, la météo, les points de chutent … Un très bon moment de partage, nous mangeons dans le train, Thibault sort le saucisson Justin Bridou le même que celui de la caravane du Tour de France.
Nous regardons défiler le paysage, le soleil qui se couche, Il me semble apercevoir la voie d’essai de l’aérotrain d’Orléans, vaste projet en concurrence avec le TGV qui finalement sera abandonné dans les années 1970. https://fr.wikipedia.org/wiki/Voie_d%27essai_de_l%27a%C3%A9rotrain_d%27Orl%C3%A9ans
Je donne quelques informations dont j’ai connaissance sur le projet à Thibault.
Les 3 heures de trajet défile à la vitesse d’un trajet en Hyperloop, le temps d’un trajet est aussi une richesse. https://fr.wikipedia.org/wiki/Hyperloop
Nous arrivons à Limoges. Beaucoup de monde sort du train, les voyageurs sont attendus par des amis, de la famille, un amoureux, une amoureuse, un taxi … Les joies des retrouvailles, la joie des vacances !
Le soleil est couché, nous sommes encore enveloppé par une douce clarté. Nous installons les lumières sur le vélo, le soleil éclaire une autre partie de la planète et la pénombre nous enveloppe doucement, le temps et la température sont agréables.
Nous allumons le GPS et nous partons vers là-bas.
Nous cheminons un peu dans Limoges, puis direction un endroit calme et paisible pour installer le bivouac pour la nuit. Après 7 km nous avons quitté la ville et sa périphérie, nous roulons sur une petite route et découvrons un champ qui n’attendait que nous. Il est 22h35
Nous mettons en branle notre dispositif pour la nuit, ouverture des sacs, installation des tentes, des matelas, des sacs de couchage, nous n’avons pas mis nos maillots et cyclistes de vélo aujourd’hui.
Nous profitons du ciel quelques minutes, je vis à Lille et Thibault à Paris, nous profitons du calme et de la sérénité de la campagne, nous profitons du ciel. nous sommes encore près de Limoges et de la lumière de la ville. J’ai espoir d’apercevoir un ciel clair et dégagé quand nous serons dans les Pyrénées pour saluer la voie lactée.
Il est temps de se glisser dans les duvets.
« – Bonne nuit Thibault
– bonne nuit l’ami Alain !
– Et le réveil ?!
– 7 heure demain matin, pour un départ à 8 heure.
– Parfait. »
jour 1 Samedi 10 Juillet
Limoges → Mailhan sur Garonne
La couleur du territoire
Le réveil sonne, on s’étire, on cligne des yeux, on écoute, on entend, on sort de la tente, les couleurs du matin sont rendues pastelles à cause du voile de brume. La géographie de l’espace ondule et permet à des nappes de brume de circuler. Le soleil pointe doucement le bout de son nez.

Nous replions, rangeons, roulons, compressons, attachons, sanglons, fixons et nous enfourchons les vélos, non sans avoir manger une petite tranche de pain d’épice.
Aujourd’hui direction Sud Sud Ouest, une traversée du Périgord en son centre, Thiviers, Périgeux, Bergerac. En évitant soigneusement les villes pour se concentrer sur les villages, bourgade, hameau. Nous sommes à la recherche du temps perdu, du temps passé, du temps du savoir vivre.
La pause du petit déjeuner se passe à Flavignac, Nous passons devant une première boulangerie, l’inspiration n’est pas là, nous faisons les difficiles. Nous nous dirigeons vers le centre bourg, pas beaucoup de commerce. La place du village est en travaux ; une quantité astronomique de gros sac de chantier chargé de pavé, ils auraient de quoi refaire les portions défoncées de Paris Roubaix ! Finalement nous revenons à la première boulangerie.
C’est le boulanger qui nous sert, nous avons le choix entre croissant au beurre ou ordinaire, il y a bien longtemps qu’une boulangerie m’a offert ce choix. Puis nous engageons le rituel de la commande : une quiche et/ou une pizza, un encas, un croissant, un pain au chocolat ou chocolatine et une boisson, éventuellement. Le boulanger est très avenant, une bonne énergie est propagée.
Les prix pratiqués en boulangerie sont un indicateur de la ruralité, ici nous nous en sortons pour moins de 10 €uros.
Une camionnette vient se garer dans l’emplacement situé le long de la boulangerie. C’est la vendeuse et certainement la femme du boulanger qui revient de sa tournée. En sortant elle nous affiche un grand sourire et un bonjour revigorant. Les quelques clients de la boulangerie nous salueront tous et nous souhaiteront un bon appétit. Nous sommes installés sur un petit muret en pierre tout neuf. Nous demandons le remplissage de nos bidons qui sont déjà à moitié vide.
Il est 8h15.
Cette première pause nous met dans le bain de notre périple, les sensations du corps sont bonnes, nous sommes à notre place, j’ai confiance dans note tracé du parcours. Cette année j’ai pris la charge du tracé. Limitation des grands axes au minimum, point de passage incontournable, quelques raccords douteux. Dans l’ensemble et pour le temps que j’y ai passé, je suis confiant.
Nous passons dans la ville de Cars, nous n’en voyons pas…
Nous entrons dans le département de la Dordogne. Un peu comme les panneaux de col en montagne, j’aime bien prendre une photo des panneaux de région et département, sur les routes principales ces panneaux sont standardisés et récents, sur les routes secondaires il y a parfois de belles surprises.
Les routes sont vallonnées, c’est une étape accidentée comme on dit dans le jargon cycliste.
Nous roulerons sur de nombreuses routes avec un revêtement neuf. Nous plaisantons en remerciant Christian Prud’homme le directeur du Tour de France. Souvent, sur le parcours du Tour de France, les routes abîmées sont goudronnées avant le passage des coureurs. C’est un plaisir de rouler sur ces revêtement en velours.

Le ciel bleu est totalement absent, caché par une mousse de nuage blanc de haute altitude, il s’agit d’un temps idéal pour pédaler de longues heures.
Nous traversons Thiviers, un joli village, je prends une photo d’une maison délabrée en centre ville, ça donne un charme certain à la rue. C’est jour de marché.
Une pause pipi en fin de matinée, une pause pour retirer une couche de vêtement, une pause pour prendre une photo.
Les paysages que nous traversons sont fortement boisés, beaucoup de noyer. Nous cheminons parfois le long de cours d’eau souvent le long des champs ou le long d’un bois.
L’heure de la pause déjeuner se fait sentir, nous poursuivons en quête d’un ravitaillement. Après un crochet à Niversac ne voyant rien arriver, nous avons poursuivis pour finalement nous installer à la terrasse d’un bar qui est fermé pour l’heure du midi à Marsaneix. Nous mangeons une partie de nos réserves qui sont prévues pour ça, nous sommes juste à côté de l’église, nous disposons de toilette publique et d’eau.
le bled est perdu pourtant un nombre certain de voitures et de camionnettes de chantier passent, nous sommes à un croisement qui mène vers des lieux connus.
Nous poursuivons, l’itinéraire est idéal pour nous mettre dans le bain, une zone de campagne superbe avec des portions montantes suivie de portions descendantes, des champs, des bois, des forêts, des hameaux, des centres bourg, une vie au rythme de la faune et de la flore. En ces lieux, c’est nous qui déréglons l’horloge du temps. Nous n’oublions pas de regarder ce qui se dévoile à chaque virage, de sentir l’odeur de la terre et du ciel, d’écouter le bruit du vent, le bruit des feuilles, le bruit des champs, les discours des oiseaux qui nous sont incompréhensibles mais agréables à l’oreille.
Nous parcourons des zones de sylviculture notamment des plantations de peuplier. La régularité et l’entretien des arbres sont rigoureux.
Les nuages ne se tiennent plus en rangs serrés, ils se dispersent, ont des envies d’ailleurs, laissant place à des formes non régulières de ciel bleu, à des percées de rayon de soleil.
C’est au tour des vignes de faire leur apparition, le sol est rocailleux, nous sommes à quelques encablures du Bordelais.
C’est au tour de la pause du goûter, il y a du vent, la chaleur se fait sentir, la halte à Creysse à la « tourte de papi » est rassasiante.
Nous traversons la Dordogne, des vignes à droite, des vignes à gauches, des vignes partout, des routes qui cheminent de haut en bas ! Un château au loin, puis un château sous nos yeux, le château de Monbazillac. Nous avons parcourus 165 kilomètres
J’ai perdu par trois fois « L’Équipe » glissé sous les élastiques de ma sacoches de selle, il n’a pas résisté au assaut des 2 ou 3 chemins non goudronnés. Heureusement Thibault s’arrêtera pour le récupérer. Ça nous fait rire !
Le Périgord a été une zone importante de production de tabac, Nous apercevrons de nombreux séchoirs à tabac qui sont les restes apparents. https://www.engironde.com/patrimoine/les-sechoirs-a-tabac/
Il est temps de trouver un endroit pour s’installer pour la nuit, un camping, un repas chaud, pour clôturer cette belle journée.
La journée se rallonge, il est 20h, les coteaux donnent du souffle ! Je commence à fatiguer, je ne m’étais pas préparé à une si grosse journée, heureusement Thibault à un bel enthousiasme et les routes nous portent bien en nous offrant de belles choses à observer.
Nous ciblons le prochain village qui semble suffisamment important pour avoir commerce et camping, en s’approchant, nous découvrons des voitures garés sur les bas-côtés bien avant le village, et puis des barrières, de la rubalise, une barrière interdit l’accès au village, l’entrée pour les piétons est soumise à un badge ! Mais où sommes-nous ?! Des gens partout, des familles, mais surtout des groupes d’adultes, pas de musique, je m’approche d’un procès verbale fixé sur une barrière, nous sommes au Festival Internationale de Journalisme ! Nous aurions pas parié là dessus !
Bienvenue à Couthures les Garonnes ! https://festivalinternationaldejournalisme.com/
Nous décidons d’essayer de contourner mais pas moyen, ce n’est pas ici que nous passerons la nuit.
Nous allons poursuivre notre route. J’ai besoin que cette journée se finisse. Quelques kilomètres plus loin nous trouvons ce qu’il nous faut, un camping municipal, de quoi manger au camping, nous hésiterons quelques instants avec un restaurant que nous avons vu 500 mètres avant le camping. Étant donné que nous finissons d’installer les tentes et de prendre la douche à 21h45, nous décidons d’aller au snack du camping.
Le camping propose une carte amélioré, Je mangerais une quiche en entrée tandis que Thibault prendra un melon, cette entrée sera suivi par une assiette saucisse frites crudités, accompagné d’une bière.
C’est Thibault qui s’est occupé de l’administratif et de payer se premier camping municipal pour la modique somme de 12,5€.
La première journée se termine, une journée d’aventure avec son lot de surprise, et la dose nécessaire pour décrocher rapidement du quotidien qui nous absorbe.

Jour 2 Dimanche 11 Juil
Mailhan-sur-Garonne -> Soorts-Hossegor
la planéité
Aujourd’hui est programmé une longue journée de plaine : la traversée des landes pour rejoindre l’océan Atlantique.
Car notre objectif est bien celui-là, rallier en ces deux premiers jours Limoges à l’Atlantique, notre cible est la ville de Soorts-Hossegor . Nous n’y allons pas pour y faire du surf. Un délicat équilibre de tracé entre l’atlantique, les Pyrénées, le kilométrage, le dénivelé.
Ce matin le brouillard nous entoure, il se lèvera rapidement. Rangement humide de la tente, pour le reste nous préservons les affaires de l’eau.
Direction la première boulangerie, nous la trouvons 2 kilomètres après le départs après avoir franchi un bon raidar. La boulangère est originaire du nord de la France, ce que son accent sudiste ne laisse pas transparaitre.
Les cultures ont changés, du tournesol dans les champs. Nous retrouvons quelques cultures de peuplier.
Nous sommes dimanche il est 9h30 et nous entendons des tirs en passant à Marion. Un club de Ball trap est en plein entrainement. Franchement un dimanche matin c’est un peu tôt, non ?
Puis les premiers pins font leur apparition, des parcelles clairsemées en tout début de journée, pour nous retrouver entourés de pins à partir du milieu de journée. Nous traversons des parcelles coupées à blanc, des parcelles de jeune pousse qui ont moins d’un mètre de haut, et d’autres encore avec des arbres qui seront bientôt à maturité d’après le cahier des charges de l’industrie sylvicole.
Nous venons de passer devant Walili Tour, cela ressemble un petit festival. Un regroupement de personne, de tente, de tipi, de camion aménagé, tout est calme en ce début de matinée. Le temps du repos.
Thibault change les piles de sont GPS.
Je transporte toujours le journal l’Équipe, lui a déjà souffert de ce début d’aventure en bickepacking. J’aurai voulu l’amener en haut du Ventoux ; je n’ai rien à y gagner, c’est ça l’esprit des périples à vélo, faire des choses qui non pas d’objectif en soi.
Les parcelles de pin sont bordées de fougères, les odeurs sont fortes, l’odeur de pin, l’odeur de terre sablonneuse, une terre acide.
Le GPS nous indique de tourner à gauche, mais à gauche c’est une piste. Le soleil rayonne en cette matinée c’est bien agréable. J’interroge Thibault :
»
– On fait quoi ?
– On est là pour l’aventure, non ?
– C’est parti alors !
«
Les 30 premiers mètres sont roulants, puis le sable se délite sous nos roues. J’entends un bruit sourd, Thibault a planté la roue avant et est tombé quasiment à l’arrêt. je l’entends rigoler, je l’accompagne dans ce moment inattendu. Je constate que nous avons 3,5 à 4 kilomètres de piste d’après le GPS et mes estimations. Nous décidons de revenir en arrière et de prendre la route, c’est une route départementale qui brille par son absence de voiture.
Le ciel est toujours resplendissant.
Nous passons devant quelques maisons landaises, elles sont caractéristiques, des maisons de plain pied, occupant une grande surface au sol avec des grands jardins, une toiture très peu inclinée. Pas de problème d’espace au sol, la zone n’est pas densément peuplée.
On n’oublie pas les maisons parfois « dégueulasses » que nous croisons, des maisons de lotissement totalement fade, une espèce invasive en France depuis les années 1980.
Nous pédalons sur des routes rigoureusement plates. Parfois ces routes prennent des virages mais le plus souvent elles se croisent à angle droit.
Nous nous engageons sur une piste, roulante cette fois-ci. Nous sommes en plein milieu des pins sur une piste de gravier, un terrain idéal pour pratiquer le gravel. Nous arrivons le long de l’autoroute de Gascogne A65. Toujours sur de longue ligne droite, nous finissons par rejoindre un pont qui nous ramène sur une route goudronnée. Une halte sur le pont à regarder les voitures qui filent à travers les pins.

Nous longeons le polygone d’essai de Captieux, un gigantesque terrain militaire de la taille de Paris, c’est l’un des plus grands centre de tir européen situé au cœur du zone natura 2000.
Nous n’entendrons aucun tir, mais nous nous sentons comme une balle sur la très longue ligne parfaitement rectiligne qui longe le camp sur environ 10km. Nous pédalerons à toute vitesse, disposant d’un développement maximal un peu plus important que Thibault, il moulinera à fond sur les relais que je prendrais ayant même parfois du mal à suivre. Pendant près de 10 minutes nous serons à fond et nous parcourrons ces 10 kilomètres en un peu moins d’un quart d’heure. Une émotion de joie intense après cette séance énergique !

Les routes landaises nous ont ouvert l’appétit, c’est à Labrit que nous trouvons de quoi nous restaurer. Un couple tient un stand et y vend de la paella, exactement ce qu’il nous fallait. Le vendeur est un homme enjoué, l’échange est sympathique. Nous nous rendons dans la boulangerie juste à côté, il est 13h, nous espérons y prendre une boisson et un dessert. La boulangerie ne propose plus grand chose, la boulangère est totalement austère. Nous prenons la spécialité locale, le merveilleux, une sorte de crêpe sucré très fine et croustillante telle une Gavotte déroulée. Le résultat est décevant, puisque nous trouvons ce dessert assez sec et sans saveurs.
Un client nous indique que nous pourrons trouver de l’eau juste à côte de l’église. Nous nous installons sur les bancs en fer qui sont très confortable, l’arrondi a été bien pensé contrairement au nouveau mobilier urbain parfois pensée pour éviter la position allongée ; renforçant la condition du SDF. Je vais utiliser les toilettes publiques. Je rempli d’eau mes bidons, nous avons mis les serviettes et quelques affaires à sécher. Thibault s’est allongé sur un banc, il fait la sieste. Indéniablement la conception de ces bancs en métal doit faire intervenir des nombres magiques. Fabien si tu lis ces lignes, c’est avec toi que nous avons appris à faire la sieste sur nos périples !
Nous traversons Ygos Saint Saturnin, surpris d’y trouver une gare, et d’y entendre une annonce de passage de train ! Nous passons devant de très grande bâtisse qui semble ne plus être entretenu.
Des étendues délirantes de maïs font parfois leur apparition, entre des parcelles de pins. Des systèmes d’arrosage sur des énormes structures métalliques.
60 % de la surface agricole est occupée par des plantations de maïs. Historiquement , depuis les années 1950, c’est une des premières régions à avoir cultivé le maïs.
Avant d’arriver à Riom-les-landes, alors que nous sommes en train de pédaler le long d’un champs de maïs celui-ci laisse la place à une grande étendue de panneau solaire. Alors que je repars après avoir pris la photo de cette exploitation, devant nous un chevreuil affolé cours sur le route tentant vainement de retourner du côté de la forêt mais se heurtant au grillage. Il a du sortir par mégarde en sautant par dessus le grillage sans être capable de revenir de l’autre côté. Nous ralentissons pour qu’il ne vienne pas nous percuter dans sa panique, nous le voyons retenter de passer en forêt mais il vient de nouveau percuter le grillage et semble être coincer dans un arbuste, nous le dépassons. Nous entendons alors une voiture arriver dans le même sens que nous, Thibault fait des signes pour que la voiture ralentisse. Dans le même temps une moto arrive en sens inverse. Le chevreuil s’est extirpé de l’arbuste. Une nouvelle voiture arrive et klaxonne pendant plusieurs secondes. Le chevreuil finit par réussir à retourner en forêt. Nous repartons avec une sensation obscure, difficile de savoir comment intervenir sur une situation comme celle-ci.
Notre itinéraire nous amène ensuite à Riom-les-landes, l’humour de Thibault est sans faille sur tous les jeux de mots possible, ici nous en avons un bel exemple :
« Alors, t’as ri ?! »
J’ai manqué l’arène de Rion-les-landes et je découvre lors de l’écriture du récit que les landes pratique les courses landaises, une pratique vernaculaire. Il s’agit d’une corrida sans mise à mort, consistant à sauter par dessus le taureau ou la vache en exécutant des sauts de gymnaste spécifiques.
Nous sommes passés devant l’arène André Taris : https://fr.wikipedia.org/wiki/Ar%C3%A8nes_de_Rion-des-Landes
nous avons besoins d’une pause fraicheur, à Taller vers 16h20 nous faisons halte au troquet. Une épicerie est attenante, tenu par le gérant du café. Nous prenons un café, une boisson fraiche, je vais acheter un paquet de cookie. À l’intérieur une télé avec le Tour de France.
Il est prévu une étape dans les landes sur la fin de parcours pour le peloton.
Je vais au cacabinet (je vous promet que c’est comme ça que c’est écrit sur la porte du toilette du café).
Nous profitons d’une situation cocasse. Un client qui semble avoir une tendance à s’incruster dans les conversations et à jouer le charmeur paye un verre à une cliente installée à une table adjacente. Le mari de la cliente arrive par la suite. Tout cela sans qu’il n’y ait vraiment de conversation rationnelle. Une situation cocasse renforcée par l’accent appuyé des clients !
Après cette longue et bonne pause, nous reprenons la route pour rejoindre la côte, nous n’en sommes plus si loin. Nous profitons d’une superbe piste cyclable puis d’une nouvelle route luisante d’un goudron tout neuf. Ma cadence de pédalage élevée fini par éloigner Thibault qui me rejoindra à Azur.
Nous naviguerons autour de l’étang de Soustons Un constat s’impose, depuis quelques kilomètres la population a augmentée, les voitures sont plus nombreuses, les bruits naturels font place au bruit de la machine humaine.
Sur la route je vois pour la première fois un reptile écrasé, sans doute par une voiture.
En roulant sur une piste cyclable, je rigole en apercevant un panneau d’interdiction de déféquer accroché sur un arbre. Je fais demi tour pour le prendre en photo. Un tel panneau ne peut être installé que dans un endroit touristique.

Nous ne le savons pas encore mais nous allons passer la prochaine heure à galérer. Lorsque j’ai tracé l’itinéraire, j’avais identifié que pour rejoindre la côte depuis Soustons nous devions passer par une zone mal repérée, pas beaucoup de route car une grande zone de dune est présente. Selon le logiciel de traçage, il s’agissait de piste DFCI voie sur laquelle peuvent circuler des véhicules d’intervention des pompiers ; j’étais donc relativement serein. Mais encore une fois nous avons pu constater les différences relatives entre la carte et le territoire. Nous avons pataugé dans du sable, de la vase, des racines, un mélange de dune vaseuse, quasi marécageuse à certains endroits, le tout en pleine forêt. Nous allons alors passer un moment à pousser les vélos en cette fin de journée, nous sentons l’odeur de la mer qui est si proche et qui pendant ces instants nous semble si loin.
J’étrenne ainsi mes chaussures. Thibault et moi pratiquons le vélo pour notre pur plaisir, pas de compétition. Parfois notre ego nous titille ; nous avons aussi nos parts de contradiction ; j’avoue qu’il m’arrive de poursuivre un KOM sur Strava ou j’espère accrocher un top 10 ! (Strava est un réseau social pour sportif – vélo, course à pied natation – il répertorie des segments qui sont chronométrés, chacun.e qui est dans la communauté peut créer un segment et espérer détenir le KOM -King of moutain – ou le QOM – Queen of Moutain-, soit le meilleur chrono homme ou femme.)
Néanmoins, notre pratique du vélo est amateur, amateur averti néanmoins. Nous commençons même à avoir notre petite expérience de bikepacking. La question de l’équipement et du matériel est omniprésente dans le vélo. Le vélo nécessite un entretien surtout quant on y passe un certain nombre d’heure. Le matériel va prendre une place plus ou moins importante, tout dépend de ce que l’on vise : le confort, la performance, le plaisir de l’aventure, la frime.
Un vélo est constitué d’un grand nombre de pièce d’usure, les pneus, les plaquettes de frein, les câbles, la chaine, la cassette, les galets, le boitier de pédalier, le pédalier. Bref à part les roues et le cadre, tout devra être changé tôt ou tard pour des raisons de bon fonctionnement. Certains éléments pourront tenir une dizaine de millier de kilomètre quand d’autres devront être changés au bout de quelques centaines de kilomètre. Tout cela varie en fonction du terrain sur lequel on roule. La boue et le sable sont abrasifs pour une transmission, une route goudronné va user rapidement un pneu avec des gros crampons.
Pour les vêtements le sujet est le même, passer 13 heures sur une selle de vélo est beaucoup plus agréable avec un cuissard plutôt qu’un short, et mieux vaut un cuissard avec un bon chamois. Mais il y a une histoire de couture et puis il y a une histoire de régulation de la transpiration, et puis de maintien, et puis les bretelles doivent être invisible et sans sensation gênante. Vu le nombre de paramètre il est facile pour une marque de multiplier les produits avec de subtiles changement de paramètres, évidemment la palette des prix sera tout aussi étendu. Les casques, les chaussures, et les cuissard et maillot.
Les chaussures sont surement l’objet ayant les plus grand delta, allant de quelques dizaines d’euros à plusieurs centaines d’euro. Le système de fixation, la gestion de l’évacuation, la rigidité…
Le critère qui départage tous les autres c’est l’esthétique. C’est imparable, vous ne verrez jamais un cycliste qui vous dit qu’il roule avec des chaussures qu’il trouve moche.
Après 4 mois de tergiversation j’ai cédé au marchandisage de RAPHA, une marque anglaise, qui s’est dit qu’il y avait une population importante de cycliste prêt à payer un bon prix pour de beau objet. Beau esthétiquement et techniquement. Les prix, eux, sont généreux, largement.
Au moins on est bien fringué, tout du moins, on se sent bien fringué.
Du coup je me retrouve sur un chemin de sable au milieu des landes avec une mare de vase devant moi, sentant le piège de vouloir absolument éviter une zone inévitable, dont la solution est le plus souvent de foncer tout droit.
À ce moment là de l’histoire, nous sentons que la marre est surement instable et mouvante, mieux vaut tenter un contournement pour limiter les risques supposés. C’est ainsi que je me retrouve avec la moitié de la chaussure dans la vase, sans que ça atteigne l’intérieur.

Thibault qui me demande si je n’ai pas trop mal au cul pour mes chaussures (véridique dans le choix des mots), ma réponse est laconique : si des chaussures comme celle-ci ne résiste pas à un petit plongeons dans la vase elles ne sont pas faite pour moi. Moi qui suis adepte de rouler sous la pluie les pieds trempés, sous la neige les pieds glacés, dans les sous bois les pieds emboités.
Bien sûr, les fabricants on pensés à développer des sur-chaussures avec tout un tas de nouveau paramètres : anti-froid, anti-pluie, aérodynamique, légèreté, esthétisme et j’en passe …
Tout dépend de votre objectif, pendant près de 25 ans j’ai fait du vélo en short de bain, Tshirt et basket à semelle plate, il semblerait que ce fût un bon entrainement !
Aujourd’hui si je me retrouve à acheter des produits de meilleurs gamme c’est pour 2 raisons :
Premièrement ça m’a permis d’accéder à une étape supérieure physiquement, limiter la fatigue, d’éventuelle blessure.
Deuxièmement c’est parce que j’ai les moyens financier de le faire et que ça me fait plaisir après une introspection approfondie des pour et des contres. Je vous promet que c’est une contradiction profonde d’acheter une paire de chaussure fabriqué au Vietnam dans des conditions qui ne respectent ni la liberté, ni l’égalité, ni la fraternité des hommes et des femmes et des enfants … Le débat est inépuisable et consiste à poser la question de la responsabilité de l’individu au sein de la société, et de la société pour l’individu. Une relecture du contrat social de Rousseau parmi d’autres peut alimenter le débat. En achetant ces chaussures je contribue à creuser les inégalités entre riches et pauvres puisque si j’achète c’est qu’il existe un besoin. S’agit-il du besoin de la chaussure ou d’un besoin d’assouvissement ? C’est une sacrée consultation de psychanalyse qui pourra peut-être un jour me le dire.
En attendant si le produit existe, que je le désir et que j’ai les moyens de l’acheter, c’est que je suis un client et donc la cible. Le paramètre le plus complexe quand on a la cible c’est de faire en sorte qu’il y ait passage à l’acte, nous entrons alors dans l’obscure bataille du marketing : l’un plante des arbres, l’autre fabrique en France, le voisin propose un travail équitable .. (je vous conseille l’étude sur la plante des arbres qui n’est pas si bon pour la planète d’ailleurs) https://www.huffingtonpost.fr/entry/planter-des-arbres-pour-le-climat-est-mauvaise-idee-si-on-le-fait-mal_fr_60c226c0e4b0db857052a6dc
Finalement, pour le vendeur de chaussure, l’objectif est le même, maximiser le profit financier, peu importe les moyens utilisés tant qu’il rentre dans la charte établi au départ.
Pour conclure cette digression : ma pratique du vélo est un privilège pour lequel je suis prêt à sacrifier une part de bien commun au profit de mon bonheur individuel, mais pas de celui de la société, la société me survivra tandis que je ne me survivrai pas.
Après ces quelques instants de pied dans la vase et quelques choix stratégiques ; nous retrouvons une piste roulante . Au croisement avec la route (goudronnée) un panneau indiquant le numéro de la piste DFCI est planté. Nous trouvons alors la voie cyclable de la vélodyssée, longue voie verte longeant la côte atlantique.
En sortant de ce passage, je m’excuse auprès de Thibault qui lucidement me répondra que ça lui aura permis de travailler ça technique.
On, parce que nous ne sommes plus nous-même, arrive à Soorts-Hossegor. Beaucoup de monde, une population populaire, des surfeurs et des surfeuses ; un trop plein de bâtiments pour vacanciers en mal de monde. Bref, Thibault avait vendu la chose avec un restaurant en bords de mer avec plateau de fruit de mer, ce n’est pas gagné !
Notre premier arrêt pour un camping n’est pas fructueux, il est réservé uniquement au mobile home. Un homme nous interpelle et nous demande si nous cherchons un camping, il nous partage deux adresses, nous repartons en le remerciant. L’un des deux campings dont il nous a parlé, je l’ai repéré un peu plus tôt lorsque nous avions fait un arrêt sur un rond point. Je fais un repérage de la route et nous nous glissons dans la circulation de retour de plage.
Nous sommes dimanche 11 juillet, c’est finale de coupe européenne de Football, l’affiche : Italie – Angleterre.
Depuis que nous sommes sortis du passage délicat, j’ai pris le lead de la fin de journée. En partie pour m’excuser et permettre à Thibault d’avoir juste à suivre le mouvement, mais aussi pour rendre la pareille de la fin de journée de la veille .
Nous trouvons le camping, les infrastructures sont importantes, je vais à l’accueil du camping, c’est carré et rodé d’un point de vue administratif, l’hôte d’accueil me sort le plan, ça à l’air immense, je fais la réflexion à voix haute, il me répond 11hectares … Avec la vélodyssée qui passe au pied du camping c’est un bon endroit. Nous disposons d’un garage vélo, restaurant, piscine, terrain basket, tout y est sauf le cinéma. 23€, ça se paye la grandeur. Il y a du papier toilette un indicateur du standing.
La météo s’est dégradé sur les 2 dernières heures, les nuages ont abrité la terre du ciel bleu.
On est perplexe avec Thibaut concernant la météo des jours à venir, ça s’annonce pluvieux et très nuageux. Nous finissons par nous partager nos réflexions : nous n’avons pas envie de faire une croix sur les Pyrénées, quitte à faire la liaison entre Foix et Avignon en train.
Nous partons sur l’option de se lancer dans les Pyrénées, puis de voir au jour le jour, nous pourrons toujours redescendre sur une ville avec une gare, Pau, Tarbes, Lourdes, Toulouse, Foix …
Une énergie se dégage du camping, nous allons au restaurant, nous n’avons pas réservé, c’est possible mais il va falloir patienter, nous avons le temps et nous prenons le temps, surtout. Les gens doivent exprimer leur empressement auprès des serveurs car avec Thibault nous trouvons que nous n’avons pas attendu si longtemps. Nous aurons 2 serveuses et un serveur différent.e.s, le service se fera tout à fait correctement. Nous ne sommes pas si mal, c’est sympa de se retrouver dans un lieu comme hyper vivant, nous savons qu’ensuite nous retrouvons la montagne, un lieu ou le vivant s’exprime autrement.
Derrière moi une ribambelle d’enfants et d’adolescents qui regardent le match sur grand écran que nous avons en direct ! Nous sommes plutôt supporter de l’Italie. J’ai assez peu suivi les matchs. J’ai jeté un œil sur un match un mercredi soir, lors d’une soirée dont la conversation passionnante et captivante nous a juste laissé le temps de tourner la tête pour voir le replay du but.
Autour de nous, une ou deux tables qui supportent les anglais, sinon ça penche plutôt pour l’Italie. Ma position est du pur chauvinisme européen !
On mange bien, le moment se vit bien.
Notre espoir de voir l’Italie victorieuse ne nous enchante pas totalement , nous avons bien besoin d’une bonne nuit de repos. Nous souhaitons que ça ne soit pas la fête une partie de la nuit. Finalement ça se terminera au tir au but à minuit avec la victoire de l’Italie, assez vite, malgré un ou deux passages proches de la tente avec des gens bruyants parce qu’éméchés, la nuit sera bonne.
Les vélos, un peu planqués, derrière la tente.
La nuit s’annonce pluvieuse.
jour 3 Lundi 12
Soorts-Hossegor -> Izeste
les jours meilleurs suivront mais celui-ci est déjà bon.
Nous sommes à l’orée d’une nouvelle journée.
Il pleut, réveil difficile, plier la tente mouillé … porter de l’eau … On s’y met, parce que rouler est la meilleure chose que nous ayons à faire.
Nous avons un objectif essentiel ce matin, aller voir l’océan, parce qu’hier avec les barres d’immeubles en façade de mer, le rue qui longe la côte ne nous a pas permis d’apercevoir l’océan !
Un couple de cycliste avec sacoche de vélo tente d’ouvrir le local vélo qui refuse de céder, après un passage à l’accueil et un appel téléphonique la porte s’ouvre, on échange quelques banalités sur la météo, le trajet. Le quotidien des voyageurs à vélo. La pluie a cessée.
Nous prenons la direction de l’océan, les rues sont calmes, il est tôt. Nous gravissons la dune marchons sur le caillebotis et découvrons l’Atlantique.

la pluie ne s’est pas invitée, voir l’océan est magnifique. Thibault prend un plaisir certain, j’apprécie l’instant mais j’ai hâte de retrouver sérénité de la montagne.
Nous prenons la direction du centre ville pour prendre un bon petit déjeuner. La boulangerie idéal se dévoile à nous.
Nous prenons le temps du petit déjeuner, les moineaux tentent de grappiller quelques miettes à la table, ils sont téméraires ! Nous avons envie d’affronter les Pyrénées, la réflexion m’amène à dire que nous sommes plutôt en quête de bonheur et de plaisir que d’affrontement.
Nous repassons par le camping pour retrouver la piste cyclable, la Vélodyssée. Nous doublons le couple de cycliste que nous avions croisé au camping, nous nous souhaitons bonne route.
L’itinéraire nous fait traverser les marais d’Orx, en passant à Orx nous longeons un jardin avec de magnifiques hortensias. Ici le climat est connu pour avoir des épisodes de pluie, une alternance franche de pluie et de soleil le tout avec une chaleur constante.
Néanmoins ces temps-ci, nous avons pu noter une phrase récurrente « la météo est pourrie » le mot à toute sa place.
Nous remontons l’Adour, vaste rivière, inattendu à cet endroit de découvrir une rivière si large, l’exploration est un apprentissage géographique.
Puis nous découvrons des champs de kiwi, chez moi je vois bien à quoi ça ressemble, une branche avec un hypothétique kiwi un jour si celui ci est pollinisé, là nous découvrons des arbustes avec des dizaines de kiwis, les branches sont désordonnées mais nous approchons de la pleine saison de récolte.
Ce troisième jour nous fait entrer dans le vif du sujet, nous avons quelques dizaines de kilomètres qui nous font découvrir le pays basque, une géographie oscillante et ondulante et qui finira en chapeaux pointus. Nous nous y attendons, nous en profitons pour retrouver des espaces de plénitudes. La côte attire l’humain c’est indéniable, notre entrée dans l’arrière pays montre une présence faible de touristes.
Nous restons vigilants en scrutant l’horizon, bientôt en haut d’une côte, au détour d’un virage nous apercevrons les Pyrénées. Pour le moment ils restent tapis sous notre horizon.
Nous nous retrouvons sur une départementale, c’est une voie importante avec des voitures, quelques camions, passage parfois nécessaire. Au loin la route s’élève, un camion malaxeur qui nous a doublé semble peiner et nous apparaît quasi à l’arrêt au trois quart de la côte, nous montons cette longue côte sans le rattraper. Une fois passé le plus dur, la trace de notre périple nous fait prendre une petite route sur la gauche, un chemin de gravier qui très vite se transforme en superbe route goudronné, une route de deux mètres cinquante de large maximum, un plaisir, nous cheminons sur une crête.
Au loin le ciel est menaçant, là-bas il pleut, c’est certain. Pour le moment nous sommes abrités par des nuages cléments profitons-en.
Et puis nous les apercevons au loin entre le ciel, les nuages, les paysages verdoyants, des montagnes plutôt douce vue d’ici. Ça semble moins majestueux que les Alpes, plus discret, moins tape à l’œil. Tenir de tel propos pourrait être malvenue, ça s’annonce tout aussi grandiose à parcourir à vélo. La montagne c’est une contraction locale de l’espace, c’est la contradiction du cycliste.
Le moment est venu de charger nos bidons en eau de cimetière, dans un village où le temps s’écoule mais où l’espace est figé. L’arrosoir est-il tombé négligemment sur le chemin de gravier après une évolution de la matière le constituant ou bien renversé par un humain téméraire et près à affronter l’intrication entre l’espace et le temps ?
La bruine s’invite, un truc qui ne fait pas que passer, un truc qui s’installe pour quelques heures. Les nuages ne sont plus cléments, ils ont décidé qu’il était temps de lâcher du leste pour être porter vers un ailleurs.
Nous enfilons la veste de pluie, Thibault baptise la sienne, la mienne je vais bientôt lui offrir un magnifique hommage et une décoration pour service rendu, je compte encore sur elle pour cette année.
Rouler sous la pluie, c’est méditatif pendant un temps, tout dépend de quelques autres paramètres, de la quantité de pluie qui nous tombe dessus, du sens du vent, de l’intensité du vent, de la qualité de l’équipement qui nous protège, du nombre de minutes ou d’heure pendant laquelle elle va tomber, de la température, de l’altitude… Quand nous mettons l’ensemble de ces paramètres au shaker, nous pouvons avoir un résultat qui va de « c’est merveilleux, ça rafraîchit, le paradis sur terre est pluvieux et aéré » à « l’enfer sur terre est froid et mouillé ; il rend le mental, aussi fort soit-il, faible et lâche » il y a un intermédiaire, ou le corps est transi mais ou le mental résiste, une phrase que j’aime avoir à porter d’esprit : « Tout finit par passer ».
Nous sommes sur cette sublime petite route, nous venons de nous arrêter au cimetière. La route descend puis la pente s’accentue, alors que Thibault est déjà à quelques encablures devant moi et que je ne l’aperçois plus, je me retrouve légèrement excentré sur la gauche de la route en amorçant un virage à droite à un bon 30 kilomètres à l’heure. Se présente face à moi telle un éclair une belle voiture jaune avec le logo de la poste. Dans mon infini prévenance je roule limite mais juste, juste de quoi passer. Le petit coup de guidon pour retourner dans ma voie et éviter les lumières d’un gyrophare qui m’amènerait sous d’autres horizon et signerait la fin de ce périple.
Sur le coup et même après je suis en confiance. Ne jamais oublier que sur une route, il peut y avoir une multitude de véhicules, d’objets, d’êtres …
Thibault est arrêté sur un petit pont en pierre sous lequel coule une rivière, lui aussi il a croisé le facteur, mais lui a eu le temps de voir que c’était une factrice !
Il est temps de faire la pause du midi, Nous avons faim ! Un supermarché nous tend les bras, on pose les vélos et on se rend à l’intérieur, jus de fruit, taboulé, saucisson, chips, compote, paquet de Kango la totale. Ne jamais faire les courses quand on a faim ! Il pleut, on s’installe sur les sacs de terreau devant le supermarché. Nous pensons à Fabien un expert en campement improbable.
J’ai un besoin naturel qui nécessite un endroit adapté, je tente ma chance dans la pizzeria qui jouxte le supermarché, le pizzaïolo m’autorise l’accès, je suis bien soulagé.
Faut repartir, ne pas se refroidir, la pluie revient. Nous avons traversés le pays basque où le sport national est la pelote basque, un grand mur et quelques lignes au sol font l’affaire pour pratiquer ce sport.
Nous nous enfonçons dans les Pyrénées Atlantique. Nous ne regrettons pas d’avoir poursuivi notre voyage malgré la météo. Nous traversons Barcus, j’ai un cousin qui vit par là, ça mérite de prendre du temps, l’énergie n’est pas la bonne. Je découvre un beau village de montagne, plus grand que ce que j’imaginais.
Nous repartons, ça commence à grimper. L’après-midi défile et nous aurions bien besoin d’un thé, de créer un petit moment de réconfort, notre volonté est exaucé.
Le cadre : une boulangerie dans un décor de cinéma, la glycine, la petite terrasse, la vitrine, un olivier dans un grand pot, les couleurs pastel, les tables et chaises métalliques. Le thé est à la carte. Des instants savoureux pour le corps, l’âme et l’esprit.
Un point sur l’étape du soir est nécessaire, nous visons la vallée d’Ossau. J’appelle le camping municipal pour réserver, la réponse arrive en rigolant, inutile de réserver, la météo et le Covid ont une raisons de l’affluence des touristes. Pour les modalités :
«
– vous pourrez payer demain matin.
-Justement demain matin nous risquons de partir tôt
-Et bien laissez une enveloppe
-très bien, et combien nous devons nous pour la nuit ?
-12,5 €, vous pourrez glisser l’enveloppe sous la porte de l’accueil.
-ça sera fait, merci bien.
»
Il est 16h40. La météo se maintien, les nuages sont plus légers. Une accalmie du temps pour un caprice de l’espace. Au programme du jour nous avons trois cols et ils sont pour les 3 prochaines heures. Nous pouvons décrire ces trois cols comme deux grosses côtes et un col sérieux.
Nous commençons avec le col de la Lie, 4 kilomètres pour finir à 600 mètres d’altitude.
Une lente ascension.
Au sommet la verdure, les nuages, des tables de pique nique, le cadre est là pour nous rappeler pourquoi nous aimons gravir la montagne, surtout à ces heures de fin d’après midi. Surtout pour découvrir ces cols dépeuplés.
Il nous reste à redescendre sans déranger les chevaux sur le bas côté qui sont en semi liberté.
La pluie revient, finit la bruine, bienvenue la pluie épaisse qui coule, qui forme les flaques. C’est avec le poids de la pluie que nous monterons au col d’Ichères qui culmine à 674 mètres d’altitude. Un patou est installé là.

Nous sommes trempés, Thibault semble vivre un moment un peu dur. Sur la descente la pluie cesse et nous retrouvons une belle éclaircie dans la vallée. Des rayons percent et éclatent sur le bitume.
Nous prenons un chemin détourné de la ville, pour rejoindre le pied du col de Marie Blanque. Une incursion sur une départementale, puis une route secondaire sur la droite.
Nous nous en souvenons de ce col ! Un col pentu de bout en bout de 9 kilomètres pour atteindre 1035 mètres d’altitude. Pas de route en lacet, une route tracé par des jurassiens, droite et pentue, advienne que pourra. Les Pyrénées nous souhaitent la bienvenue. Les cinq premiers kilomètres sont réguliers à 5%, les 4 derniers sont tout aussi réguliers mais au dessus des 10 %. C’est violent pour une première fin de journée montagneuse. Le somment est atteint dans l’effort.
Les Pyrénées sont aussi une terre de résistants, une stèle pour célébrer le maquis Guy Moquet d’Oléron nous le rappelle.
Vallée d’Aspe et d’Ossau. Ossau c’est la vallée où nous comptons passer la nuit, il ne reste qu’à se laisser glisser en son creux.
Pas grand monde à croiser, c’est un plaisir total et complet que nous partageons. Observer les détails du paysage, les couleurs verdoyantes des arbres, des haies, des bosquets, être à l’affût des détails, de découvrir une bâtisse dans un repli de montagne, une autre sur un surplomb, parfois un vestige d’abri.
Nous rejoignons le camping en pédalant sur la départementale de la vallée. Passons devant une boulangerie fermée, Thibault se renseigne sur les horaires d’ouvertures, demain c’est ouvert.
Le camping propose une table de pique nique avec un toit, nous nous installons négligemment. La tente n’a pas eu la bonne idée de sécher, mais tout le reste de nos affaires est sec, nous le prenons pour une victoire, une victoire préparée et emballée dans des sacs poubelles.

On sort la popote et le réchaud, ce soir c’est pâte au pesto ! Avec noix de cajou à l’apéro, un cours d’eau, un bel espace, de l’herbe verte, des arbres, quelques campeurs, des sanitaires confortables sans papier toilettes. Tout le confort dont nous avons besoin. Nous allons glisser une feuille de papier pliée en guise d’enveloppe avec 15€ dedans sous la porte de la réception du camping.
Un point habituel sur le Tour de France et la météo.
Demain ça craint ! Passons la nuit, nous verrons bien.
jour 4 Mardi 1
Izeste -> Luz-Saint-Sauveur
l’appel aux cieux
Je me réveille vers 5h30, tout est silencieux, il est tôt, je tente de retrouver le sommeil. Je suis de nouveau réveillé mais cette fois-ci par un léger roulement, la pluie tombe. Elle a décidé de tomber par grosse goutte et en continue, il est 7h. Les choix de stratégie apparaissent, dans un premier temps rester au chaud dans le sac de couchage. J’envoie un message à Thibault. Il est sous l’abri de pique nique, la pluie tombe trop fort pour retourner dans la tente.
Je le rejoins, nous nous décidons sur le plan de la journée.
On attend un moment que la pluie se calme et on plie notre bazar, puis nous partirons rouler pour une petite journée.
Lorsque j’ai réalisé l’itinéraire, j’avais calculé 3 à 4 jours dans les Pyrénées. J’avais établi des étapes entre 180 kilomètres pour l’entrée dans les Pyrénées à 120 kilomètres pour les jours avec un dénivelé important. J’avais également noté quelques petites variantes, le col Hautacam, et le col des Tentes. Ces deux cols sont sans issue, une fois en haut il faut redescendre par la même route. 20 km aller retour pour le col Hautacam, 60 kilomètres aller retour pour le col des tentes.
La grosse difficulté du jour c’est le col d’Aubisque. Pas moyen d’y échapper en même temps que nous n’avons aucune envie d’y échapper, nous pédalons après. Difficile de faire le col d’Aubisque sans faire le col du Soulor qui sont sur la même route, c’est un peu comme le télégraphe et le Galibier dans les Alpes.
Pour le moment nous sommes toujours au camping, toutes les affaires sont rapatriées sous l’abri, on commence par tout bien compacter. Une femme vient à notre rencontre, c’est elle qui gère le camping, elle a bien trouvé notre enveloppe, nous échangeons sur la météo, d’habitude l’herbe n’est pas si verte en cette saison. Ça fait 3 semaines qu’ils ont cette météo. Une météo pourrie.
Elle nous indique que régulièrement les cyclistes qui s’arrêtent dans ce camping dorment sous l’abri, nous lui répondons que nous préférons le confort de notre tente !
Nous finissons par tout charger, les téléphones sont rechargés, les bidons sont remplis, pas sûr que ça soit bien nécessaire de remplir les deux bidons, cependant mieux vaut prévenir que mourir !
Nous nous lançons sur les coups de 10h, évidemment les vestes de pluies sur le dos. Nous rallions la boulangerie repérée hier. La pluie a cessé mais à peine avons nous posé les vélos sur la rambarde de la boulangerie que la pluie tombe à nouveau. Nous entrons, accent chantant de la vendeuse, on s’attable à l’intérieur, nous buvons le thé et mangeons. Thibault m’interpelle, un vélo et un ou une cycliste recouvert.e de plastique, les chaussures, les jambes et le buste, recouvert.e d’un patchwork de sac poubelle. c’est une méthode douteuse pour éviter la pluie. Les sacs plastiques au pied semblent se déchirer. Ça nous fait sourire. Je bois mon jus d’orange dans un verre à Scotch.
Une cliente nous salut, elle nous interroge sur notre programme du jour au vue de la météo. En apprenant le trajet elle s’exclame « à vos souhaits ». Un camping car vient charger la baguette du jour.
Pas évident pour nous de se relancer dans ce début de journée, nous avons une dizaine de kilomètres à parcourir dans la vallée avant d’amorcer le col d’Aubisque. La pluie est plus fine et presque inexistante. C’est une météo agréable pour observer la cime des montagne, moins pour pédaler sur un vélo.
Nous bifurquons en ne suivant pas la trace pour éviter de passer à Laruns, nous sommes surpris par les aboiement féroce d’un chien. Nous profitons de la végétation qui nous entoure, les odeurs évoluent toujours avec la pluie.

Nous atteignons Eaux-bonnes une station thermale qui a vécu des années fastes, aujourd’hui la ville est triste, les grands immeubles ne sont plus entretenus, un patrimoine qui s’éteint.
Nous montons en haut de la grande place puis redescendons sur une centaine de mètres pour démarrer l’ascension du col.
L’humidité est pénétrante, nous atteignons assez vite les nuages, nous évoluons dans une mélasse, pas mal de voitures au départ, puis de moins en moins. Il me semble que l’on ne croise aucun cycliste dans la montée.
Nous arriverons au sommet 1h40 plus tard après le passage à Eaux-Bonne. La température aura sacrément chuté. Nous verrons 5 ou 6 cyclo-touristes dont un père et son fils ; quoique ça soit plutôt des cyclo-sportif au vu des conditions climatiques d’ascension. Nous verrons des gens moins téméraires que nous observer ce paysage envoûtant assis dans leur voiture essuie glace en action.
Pour nous il est juste le temps de prendre une photo avec toute l’énergie et la joie qui nous anime encore. On repart sans traîner ! De toute façon sur ce coup là c’est circuler y a rien à voir !
Direction le col du Soulor. Le temps s’améliore, toujours les nuages mais moins de pluie, nous avons droit à une belle éclaircie, Thibault roule à l’avant.
J’arrive au col du Soulor frigorifié, je tremble, il fait froid, humide, même les photos que je prends son floues, pour dire ! D’ailleurs impossible de me souvenir l’ascension de ce col. Toute mon énergie et mon attention sont passées dans l’effort de pédalage.
Il y a du vent, difficile de trouver un abri. Nous mangeons, je prends la banane histoire d’être sûr de trouver les freins pendant la descente. Je me lance, c’est une galère au démarrage, dur d’être sur la bonne trajectoire, envie de rapidement retrouver des températures plus chaudes, moins de vent, mais il ne faut pas se précipiter.
C’est à Aucun que je retrouve des sensations correctes. Avec Thibault on décide de retrouver le gros village de la vallée pour notre pause déjeuner. Après avoir fait le tour du village on revient à notre point initial et nous nous installons dans une brasserie. Le soleil apparaît, le marché se range, une organisation bien huilée l’installation des terrasses. Je passage aux toilettes dont la porte est au fond de la ruelle. Nous observons les familles, les femmes, les hommes et enfants qui déambulent, qui s’affairent, qui s’activent, qui profitent. Le repas est calorique : pour moi c’est lasagne maison pour Thibault c’est pâte carbo. Nous accompagnons tout ça d’un thé à la menthe pour nous réchauffer de l’intérieur. Je mets un certains temps à me réchauffer, je n’échappe pas à quelques frissons et tremblements. Je donne aux rayons de soleil mes affaires humides.
Nous prenons notre temps, nous avons besoin de nous réchauffer. Il faut que nous choisissions le programme de l’après-midi également. Envie de trouver un camping pour une douche bien chaude.
J’achète quelques cartes postales, j’aime la temporalité de la carte postal, je l’écris dans l’instant, j’écris ce que je vis dans l’instant, pour que l’autre reçoive ce message dans l’après.
Nous ciblons un camping à Luz-Saint-Sauveur, nous décidons de ne pas passer par le col Hautacam. Nous allons rejoindre le camping, installer le campement et partir à l’assaut du col des tentes, sans les bagages, ça sera le point culminant de notre périple. il nous faut pédaler une vingtaine de kilomètres sur un profil montant pour rejoindre Luz-Saint-Sauveur, nous nous lançons.
Nous prenons une plus petite route que prévu initialement. Cette route nous permet de surplomber la vallée pour nous éviter la départementale. Nous découvrons une authenticité en traversant les hameaux, nous contemplons les parcelles, les délimitations arborées que nous offre ce surplomb.
La montagne est brute, parfois des grands filets métalliques ont été installés pour sécuriser un risque d’éboulement. Le contraste avec le ciel donne une vision de puissance à ces paysages.
Nous arrivons sur le lieu de notre étape du soir, après une hésitation à un croisement en Y et un demi tour, nous trouvons le camping. Le centre de la ville est situé en haut de la longue côte, il nous faut pédaler jusqu’au bout. Nous sommes dans une station thermale, nous retrouvons l’effervescence d’un site touristique. L’entrée du camping est en plein cœur du village, deux grandes portes rouges qui font place à la sérénité, un cours d’eau bordé par la montagne, Thibault s’occupe d’aller à l’accueil. L’hôtesse nous accompagne pour nous proposer deux emplacements, l’un est au centre du camping, le second est le long du cours d’eau. Je demande si eux aussi ont de la pluie depuis quelques semaines, la femme me répond dans un sursaut et une pointe de chauvinisme qu’ici il ne pleut pas, c’est très nuageux, mais pas une goutte de pluie, d’ailleurs regardez au sol m’indique t-elle, c’est sec !
Il est temps d’installer nos tentes, encore humides du matin, sur l’emplacement le long du cours d’eau. À 17h30 nous sommes parés, nous nous lançons sur la route du col des tentes, superbe ascension qui démarre vent dans le dos, le soleil est timide mais nous offre quelques beaux rayons. La journée est usante, mon mental a été entamé. Tout seul, je ne suis pas sûr que j’aurais trouvé la force de faire ce col. Thibault me partagera un sentiment identique un peu plus tard.
9 kilomètres avant le sommet je fais une pause sur une aire de camping car, Thibault est parti devant, je mange un demi paquet de noix de cajou. Un homme s’approche et m’interpelle pour savoir si j’ai besoin de quelques chose à manger, il est sortie d’un camping car. Je lui explique mon arrêt. Lors de la première partie de l’ascension du col Thibault m’a dit qu’il comptait sur moi au retour pour pédaler face au vent. J’aime faire ces efforts brutaux, appliquer une force brute sur le vélo pour lutter face aux éléments, c’est une expérience forte.
Je repars, la route n’est tâchée d’aucune voiture, nous croiserons quelques vaches et quelques chèvres. En revanche les 4 derniers kilomètres se déroulent dans les nuages. Dans un nuage le taux d’humidité est tel que la vapeur d’eau condense immédiatement à notre contact.
Au détour d’un virage des voitures sont garées et des campeurs sont en cours de montage d’un bivouac, bizarre comme idée de faire ça avec ce temps là, j’aime les gens bizarres. Je continue à pédaler, Thibault n’est pas en vue. Une ou deux voitures me dépassent, je les entends avant de les voir, j’ai allumé mon feu arrière. Un camping car me dépasse, j’entends des encouragements et un petit coup de klaxonne juste après m’avoir doublé. C’est la bonne méthode d’encouragement. Le coup de klaxonne juste derrière c’est insupportable, ça me fait sursauter à chaque fois ! À vélo les voitures nous les entendons, si vous souhaitez klaxonner faites le plusieurs dizaines de mètre avant de nous doubler pour prévenir de votre présence, doubler en laissant un mètre cinquante minimum, parfois la route est dégradée ce qui ne nous permet pas de rouler sur le bas côté.

Je finis par arriver au sommet, Thibault discute avec un groupe de jeunes hommes, ce sont les camping cariste, des trentenaires qui sont partis d’Alsace. Ils sont impressionnés par notre voyage. Je vais explorer un peu au-delà de la route sur un chemin de terre, mais là bas non plus on ne voit pas plus loin que la dizaine de mètres. Je partage mon exploration infructueuse au groupe en revenant. Ils nous prennent en photo, Thibault les prend en photo. Nous nous saluons, puis nous redescendons, je m’engage, j’attends avec délectation le moment ou nous allons sortir des nuages et redécouvrir l’environnement. Le groupe de randonneurs a fini d’installer son bivouac, ils sont en train de manger dans le nuage.

Le ciel se dégage, je lâche un peu plus les freins. Je m’arrête pour profiter du moment, je fais une vidéo de Thibault qui sort du virage et qui poursuit la route.
Nous repassons au croisement dont une route mène au cirque de Gavarnie, magnifique cirque que nous n’aurons pas le plaisir de voir cette fois-ci.
Le reste du retour vers Luz-Saint-Sauveur est plaisant, le vent est tombé. Nous remontons les quelques bosses que nous avions passées tout à l’heure, c’est une belle fin de journée. Journée éreintante avec la météo, les passages en altitude, mais nous étions bien accordés avec Thibault, nous gérons bien ce moment.
Nous retournons au camping, on file prendre notre douche. Les tentes sont sèches, nous allons être bercés par le roulement du cours d’eau.
Autour de nous des randonneurs, une tente tipi qui nous semble petite. Quelques beaux vélos dans ce camping.
Il nous reste à trouver un endroit pour dîner, mais il est déjà tard, les deux restaurants que l’on essaie sont en fin de service, c’est bien dommage ça semblait savoureux. Il faut dire que sur la question de la nourriture nous n’avons pas été très bon cette année. Nous aimons tester la gastronomie locale et se faire quelques bons petits restaurants qui sont parfois dans leur jus mais qui reflètent le caractère d’un territoire. Cette année, nos chemins ne les ont pas croisés. Nous avons raté quelque chose, c’est certain.
Ce soir nous finissons dans un tacos, restauration rapide, nous allons en intérieur. Nous tombons dans le cliché. La serveuse pimpante et qui transpire la superficialité alors qu’elle a sûrement tout un tas de chose à exprimer et à vivre, une bande de cuistot affairé sur leur smartphone supervisant l’affaire sans trop connaître le rôle de chacun.
C’est pas si mal niveau culinaire, je prends une salade d’avocat.
Après ça nous filons au camping. La météo devrait se maintenir voir s’améliorer, c’était certainement notre jour le plus difficile. Nous risquons toujours de ne pas avoir de visibilité au sommet mais pour le reste ça devrait le faire.
Le point Tour de France suit le point météo.
Demain réveil à 7h, et mission Tourmalet !
Le père de Thibault tient les comptes kilométriques et du dénivelé. Thibault me partage que c’est le premier de nos supporters.
C’est agréable d’être supporté.
jour 5 Mercredi
Luz-Saint-Sauveur -> Bagnère de Luchon
Rouler sur les chapeaux pointus
Réveil sous un timide ciel bleu ! La tente est sèche ! Le plaisir !
Un cycliste, roue libre bruyante – mollet rasé – muscle saillant, ne nous a pas attendu, prêt à affronter les sommets du coin, paré d’un joli lycra et d’un joli vélo, un Canyon dans mes souvenirs.
Les randonneurs qui ont dormi en tipi partent quelques minutes avant nous.
Nous détachons la tente des vélos, le rituel de la tente qui nous sert d’antivol. Si quelqu’un ou quelqu’une avait la mauvaise idée de partir avec le vélo, il embarquerait la tente. Le réveil serait difficile mais la méthode est imparable ! Nous enfourchons nos montures.
Le Tourmalet est au menu du petit déjeuner ! pas de vallée pour se mettre en jambe, par contre beaucoup de cyclistes à l’assaut du col. Le mot d’ordre : prendre du plaisir. Je suis venu aussi pour m’arracher un ou deux muscles, donner de mon énergie à la montagne. Je me sens bien. Nous gérons bien mieux les efforts que lors de nos premières virées, nous commençons à mieux appréhender la longue distance, la gestion d’un effort renouvelé.
Au bas du col un panneau annonce le passage du tour de France pour le lendemain, aujourd’hui c’est 14 juillet, fête national, jour férié.
De mon côté je pars avec l’idée d’accrocher une roue. Jargon du cycliste : il s’agit de rouler juste derrière un autre cycliste prenant ainsi son rythme. Trouver un équilibre entre la facilité, le plaisir et l’effort. Quelques centaines de mètres après la sortie de Luz-Saint-Sauveur nous sommes doublés par une cycliste, vélo gravel avec ses pneus de 25 ou 28 mm. Son coup de pédale est fluide, bien qu’il me semble trop rapide pour un début d’ascension. Ma fréquence de pédalage vient naturellement, Thibault trouve le sien. Je pédale en force ma fréquence de pédalage n’est pas très élevé, au contraire Thibault pédale avec plus de légèreté. Je suis un peu plus puissant que Thibault, sur un effort comme celui-là je roule donc un peu plus vite, de l’ordre d’un kilomètre heure.
Je double la cycliste qui a fait une pause pour enlever une couche de vêtement, elle me redouble quelques dizaine de mètre plus loin. La route est, pour le moment, enclavée dans la montagne, la vue n’est pas dégagée sur l’horizon. L’altitude va nous faire prendre de la hauteur. Au loin j’aperçois la cycliste et une centaine de mètre devant elle un autre cycliste. Je décide de me mettre en action. Je vais grimper en augmentant quelque peu ma force, rattraper tranquillement ces cyclistes.
Je finis par rattraper la cycliste, il semble qu’elle bloque un peu pour aller chercher le cycliste de devant qui évolue toujours à la même distance. Je ne peux pas croire que l’on monte le Tourmalet en n’étant pas presque à fond ! Il y a des géants pour lesquels il faut se donner !
Monter un col, c’est regarder la route. C’est aussi regarder le pédalier qui tourne, poser les mains en haut du guidon ou en bas, parfois ; se mettre en danseuse pour relancer ou passer un virage délicat, regarder au loin pour voir les lacets de la route. C’est aussi rouler proche du bord pour espérer apercevoir le fond du ravin et apercevoir la rivière, c’est rester vigilant face aux voitures, aux camping-cars ou aux motos !
De mon côté, je prend un plaisir total, nous nous approchons des nuages, je lis les inscriptions au sol. Des noms de coureurs, des encouragements pour des amateurs aussi, des dessins divers et variés.
J’aperçois Thibault en contrebas, souvent situé à quelques centaines de mètres, mais il progresse régulièrement et gère son effort. Les Alpes nous ont bien formé !
Je décide de mon côté à poursuivre sur ma lancée, je double la cycliste et je me mets en quête du suivant, la cycliste continue à pédaler sur son rythme. Je rattrape sans tarder le cycliste à la veste jaune, je fais un peu le yoyo au début, puis je finis par me stabiliser. Nous sommes doublés par un cycliste qui sent la lessive, une odeur douce et délicate.
La cycliste quant à elle finit par recoller et lors d’un long et grand virage dégagé elle tente une accélération, je la suis immédiatement. Je la laisse filer dans la sortie du virage, j’émets des doutes sur sa capacité à finir jusqu’au bout étant donné le coup de pédale faiblissant que j’ai vu toute à l’heure. Nous restons des amateurs, nous ne sommes pas en train de bluffer, nous sommes là pour notre pur plaisir !
Un cycliste maillot bleu m’a doublé un peu plus tôt, dans une portion avec un faible pourcentage. Le voici qui réapparaît au loin en douce galère de pédalage, ça ne valait pas le coup de faire le malin sur du faux plat. On entre dans le vif sur les derniers kilomètres, je maintiens l’effort et double la cycliste, je rejoins ensuite le cycliste maillot bleu que je dépasse allégrement. Je me fais doubler tranquillement par un autre cycliste avec lequel je ne peux rivaliser. Nous entrons dans les nuages, la température diminue. Un peu plus d’un kilomètre avant le sommet, j’enfile ma veste de pluie sans m’arrêter, exercice d’équilibriste, un cycliste me double. La cycliste me reprend du terrain, mais elle est toujours à une centaine de mètres derrière moi tandis que le cycliste veste jaune n’est plus visible.
Je rejoins le col, et trouve une trentaine de cycliste. Il y a aussi une femme au téléphone qui explique que son mari n’est pas encore arrivé et qu’elle ne peut pas aller au chaud dans le bar du col car celui-ci est fermé, préparatif du Tour de France oblige.

La cycliste arrive au col moins d’une minute après moi, on se croise du regard, échangeons un sourire complice. Tout le monde s’affaire, prendre la photo avec le panneau du col, manger un morceau ou boire un gel, changer de vêtement pour descendre en étant sec, ou tout simplement ajouter une couche de vêtement pour ne pas être totalement refroidi lors de la descente.
Concernant le panorama, c’est certainement magnifique quand ce n’est pas dans les nuages !
Thibault arrive tranquillement quelques minutes après.
Un groupe d’italien fait d’abord semblant d’ignorer ma demande de prise en photo puis l’un deux finit par s’y soumettre.
On voit arriver sur la partie que nous allons descendre une femme avec un vélo de voyage bien chargé, sacoche avant et arrière, atteindre le sommet, le visage est détendu. Quelques minutes après une nouvelle voyageuse arrive avec le même type de chargement.
Nous nous lançons dans la descente, direction Sainte-Marie de Campan. Le tracé nous fait repartir vers le col d’Aspin sans nous faire traverser Sainte-Marie de Campan. Nous décidons de faire le crochet pour y faire une pause, d’autant plus que le soleil fait son apparition, la descente est superbe.
L’eau transpire et s’écoule de la montagne dans une prairie verdoyante.
C’est la foule des grands jours et des grands tours dans la descente du Tourmalet, les camping-cars, les chaises et tables pliantes. Sûrement que les habitué.e. sont installé.e.s ici depuis quelques jours pour avoir la même place qu’à l’habitude. Le tour passe le lendemain et il n’y a plus une place de libre. Arriver maintenant, c’est arriver trop tard.
Quelques paquets de cycliste nous dépasseront durant la descente principalement sur les parties plus roulantes.
Le centre bourg de Sainte Marie de Campan est en ébullition, demain le tour de France y passera, ça durera quelques secondes, mais une telle intensité va régner, une telle énergie est engagée !
Nous trouvons une table sur laquelle s’installer en terrasse. J’en profite pour acheter des cartes postales et une part de pizza à la boulangerie, on prend un thé. L’instant est très plaisant, depuis que nous avons attaqués les Pyrénées c’est la première fois que l’on profite totalement de l’instant sans penser à la météo qui nous attend. Nous sommes satisfait de notre matinée qui nous a mené au col du Tourmalet.
J’ai inspiré Thibault à écrire une carte pour sa chérie. Il revient avec le magazine 200. Malheureusement en temps de Tour de France la poste ne fonctionne pas. Une affiche sur la boite aux lettre indique qu’il n’y a pas de ramassage avant le 17 juillet. C’est dommage. Du coup nous embarquons les cartes pour les poster plus loin sur notre chemin.
Le camion du fléchage du tour de France s’arrête au milieu de la place, un homme en sort, regarde autour de lui, puis se met à courir dans tous les sens pour aller fixer les cartons jaune fluo avec la flèche directionnelle sur une grille, un poteau ou n’importe quel support. Il interpelle la patronne du bar pour demander si il peux installer un panneau sur la grille. Il précise que ça sera enlevé soit par des spectateurs soit par l’organisation. Elle accepte.
Nous repartons, direction le col d’Aspin, ça s’annonce moins touristique, nous entrons dans une zone pastorale. La montée est très plaisante, les nuages sont un peu plus haut, nous aurons une vue panoramique.
Au fond de la vallée nous passons devant un restaurant / guinguette, une musique forte de variété française qui résonne à des kilomètres en se réverbérant sur les contreforts de la montagne. Un peu plus haut, un groupe est assis dans l’herbe, attentif aux explications d’un moniteur de parapente. Une famille a gravi la montagne et prend la pause au col, quelques vaches. La route est belle, libre, offrant des vues imprenables sur les vallées.
Il est temps de faire le plein de calorie du midi, une nouvelle fois, nous ne trouvons pas le bel endroit pour profiter de la gastronomie Pyrénéenne. Nous nous arrêtons dans le restaurant élu haut la main « restaurant de la déprime » les deux femmes qui tiennent la boutique, le lieu, la fraîcheur perdu du bâtiment, l’accès au toilette, tout est déprimant. Le tiramisu n' »est vraiment pas ouf » selon Thibault, les profiteroles n’ont pas le goût d’y revenir. La salade de pâte est acceptable … Un restaurant italien au cœur des Pyrénées. Comme dira Thibault : « ça nous a nourri ».
L’émission de TV, une émission sur des personnes qui exposent leur problème sur une thématique donnée … Plus souvent dans les autres restaurants ou bar, c’est le tour de France qui est diffusé sur ces territoires à cette époque de l’année.
Il fait un peu frais, le programme de l’après midi s’annonce grandiose : le col de Peyresourde et une belle surprise. L’objectif qui se dessine est d’atteindre Bagnères-de-Luchon.
Demain sera notre dernière étape Pyrénéennes, déjà. Malgré la pluie et le froid, nous retenons le reste, nous, ici, avec le vélo, avec notre envie de rompre le quotidien, de découvrir de nouveaux territoires, de conquérir de nouveaux cols, de rouler des kilomètres, de partager ces moments, sans toujours parler, parfois en sachant que nous profitons de la même chose. D’exercer un effort, de se construire des projets, de porter des envies, d’avoir envie d’ailleurs pour retrouver l’envie d’ici.
Nous repartons, les quelques kilomètres après le repas nous remettent d’aplomb. Au loin un bruit d’hélicoptère, un nombre grandissant de voiture stationnée de manière archaïque sur le bord de la route. Un peu plus haut des voitures de la gendarmerie, une foule dans un virage et une route barrée. Nous y sommes, nos destins se croisent, nos chemins se coupent. Le Tour de France passe ici et maintenant, il est prioritaire ! Nous sourions avec Thibault, belle étape !
Je me dirige vers une gendarme, je lui demande dans combien de temps le passage des coureurs est prévu :
« Bonjour, je suppose qu’on ne peut pas passer ?
Bonjour, ah non pas pour le moment.
Vous savez dans combien de temps il passe ?
D’ici une demi heure.
Et ensuite combien de temps avant que la route ne soit libérée ?
Faut attendre jusque 18h – 18h30.
Ah ok ! Merci ! »
Voila le court échange.
Bon je suis dubitatif, pas sur d’avoir bien compris l’horaire possible de passage, ça aurait aussi pu être 16h30.
Il est trois heures et quart.
Un fourgon de la DDE est stationné. Les employés sont là pour gérer les barrières.
Aucune personne de ce petite monde ne semble porter un intérêt pour le Tour de France !
Nous posons les vélos, nous nous installons dans la foule, dans l’espace publique et populaire, sur les routes du tour, nous y étions, le placement est bon, en descente, dans un virage rapide d’une intersection ou il faudra utiliser les freins.
Notre chance c’est de ne pas subir le passage de la caravane, un train déstructuré de publicité, de marque, de bruit, de son, d’image flashy.
Nous profitons d’un joli défilé de moto : moto de la gendarmerie, moto presse, moto assistance, puis de voiture : d’assistance, d’organisation, de publicité, de presse, relais antenne. Au-dessus de nous pas moins de 4 hélicoptères.
Thibault envoie un message à son père pour qu’il sorte de sa sieste et qu’il puisse nous apercevoir.
Un premier groupe d’échappée passe, puis un poursuivant, puis c’est au tour du peloton.

C’est fini ça aura durée une dizaine de minutes entre les premiers coureurs et les derniers. Le groupe étau avec les grosses cuisses de sprinteur. Nous apercevons le maillot jaune et le maillot vert, pour le reste c’est un flou artistique de maillots bariolés.
Les gens se dispersent rapidement, retour aux voitures. Nous regardons cela, nous tentons de définir le reste du parcours de l’étape du Tour. Nous étions dans la descente du col de Peyresourde, nous nous apprêtons à le gravir, eux sont partis vers d’autres horizons, des cols que nous n’avons pas franchis. En revanche demain ils iront sur les pentes du Tourmalet.
La DDE s’active dès l’autorisation des gendarmes, voir même avant !
Je partage ma pensée à Thibault :
« La seule fois de l’année où ils travaillent aussi vite !
Thibault qui surenchérit : « en plus c’est payé double c’est férié » à y repenser ça manque un peu de sens, mais ça nous a bien fait rire. Le contexte en ajoutait, ils n’avaient vraiment aucun intérêt pour la course cycliste, ce que je peux comprendre bien sûr, mais quitte à y être autant faire passer le temps confortablement.
Finalement à 16h20, c’est à notre tour de nous lancer, la route est dégagée, la voiture balaie est passée, j’avais grand espoir de la voir, je l’ai raté, je suis déçu !
Juste avant de repartir, un camion officiel récupère les panneaux de balisage, le gars sort du camion précipitamment ne sachant plus par ou il doit commencer par enlever les pancartes de balisage. Le conducteur avance avec la portière passager ouverte, c’est la course, l’adrénaline ne doit pas aider dans ces moments là ! Ça ne veut pas perdre de temps, vu de notre place ça paraît dispersé !
Nous fournissons l’effort pour atteindre le sommet, tant de minutes passé à pédaler à 8 ou 9 kilomètre par heure réduite à une phrase laconique. Un ensemble de techniciens est en plein démontage de l’installation du portique au col de Peyresourde.

Nous passons dans le département de la Haute Garonne.
Un voyageur à vélo demande à Thibault de le prendre en photo, puis c’est un autre cycliste qui formule la même demande.
On file directement sur Bagnères-de-Luchon, dans la descente nous doublons le cycliste à vélo avec ses sacoches, la descente est très arborée, nous nous enfonçons dans un écrin de forêt.
Nous avons repéré un camping qui part dans la bonne direction. Nous avons prévu de sortir le camping gaz ce soir, deuxième fournée de pâte au pesto.Thibault va être tout léger puisque c’est lui qui porte la petite bouteille de gaz, le pesto et les pâtes. Je m’occupe de l’administratif du camping, un camping familial comme on les aime. Nous avons deux choix, un emplacement classique ou la possibilité de s’installer à côté de l’espace pique nique. Nous choisirons l’espace pique nique, l’herbe y est grasse, l’espace propice. Nous déballons notre barda, prenons la douche, rechargeons les téléphones. Nous allons au snack du camping prendre une frite et deux bières locales, nous attaquons le saucisson et les noix de cajou. Nous débriefons notre journée, discutons du tour de France, regardons le replay pour voir nos bobines, on nous y voit à 45min et 13 sec du replay du 14 juillet !
Nous appelons nos chéries respectives , envoyons quelques sms. J’appelle Jamal qui va pouvoir nous accueillir à Foix après moult suspense. On finit par remarquer que nous allons dormir juste en dessous de deux lignes haute tension. Nous fournissons de l’énergie supplémentaire à la ligne !
Nous dînons trois étoiles, top confort.
Un gros dodo encore une fois, aucun réveil dans la nuit depuis que nous sommes partis, je n’ai jamais été aussi confortable dans ma tente, toujours les mêmes habitudes, le même rangement, un rituel.
Jour 6 Jeud
Bagnère-de-Luchon -> Foix
De la sérénité et de la plénitude
Elle est là la dernière journée dans les Pyrénées. Ce soir nous serons à Foix.
Nous quittons Bagnères-de-Luchon, long faux plat descendant plutôt agréable pour un démarrage.
Nous rejoignons Saint Béat, prenons le temps de la première pause matinale, passons à la boulangerie dans laquelle nous achetons un bon morceau de fromage, puis nous allons nous asseoir au café du village. Nous sommes chez les locaux, une table de randonneurs à côte de nous, sur une table extérieure 4 ou 5 gars assis buvant le café et préparant leur journée de labeur.
Thibault m’abandonne un instant, il revient avec un tube de soin pour les lèvres, un des rares oublis de ce voyage à vélo pour lui.
En repartant vers le col de Menté, je tombe sur une planche de bande dessinée qui explique le comportement à avoir face à un chien de troupeau.
Thibault m’interpelle pour savoir si j’ai vu la plaque en hauteur de la route sur un virage, je répond par la négative.
Je fais demi tour et descend sur une dizaine de mètre. Une plaque à 3 mètres du sol fixée dans la roche précise :
« Lundi 12 juillet 1971
tragédie dans le Tour de France
Sur cette route transformée en
torrent de boue par un orage
d’apocalypse.
Luis OCANA, maillot jaune
abandonnait tous ses espoirs
contre ce rocher »
Il s’agit d’une glissade et de la percussion avec un autre coureur, il sort vivant mais abandonne le tour, c’est Eddy Merckx qui remportera le Tour de France cette année là.
Le col de Menté est boisé, pas de vue imprenable, mais un air remarquable.
Une fontaine taillée dans un tronc, de quoi s’abreuver d’eau de source au sommet.

La descente est inattendue puisque nous sombrons dans les nuages très vite, le froid et l’humidité nous engourdissent quelques minutes. Nous croisons des cyclistes avec des sacoches, à l’un deux je lance un « c’est dégagé en haut ! »
La masse de nuage est concentrée sur une bande d’une centaine de mètres de hauteur.
Deux 4×4 sont partis quelques secondes après nous du col. Ils nous doublent au moment où nous sommes arrêtés dans un virage pour observer la vallée sauvage entièrement enclavée. Nous repartons avec les odeurs de gasoil mal consumée. Ils ralentissent pour nous permettre de les dépasser. Je remercie d’un geste de la main. Je descends pleine balle et rejoins Thibault.
Au croisement du fond de la vallée, nous repartons sur une nouvelle ascension, c’est le début de l’ascension du col de Portet d’Aspet, pas de répit, celui-ci a des pourcentages sévères sur des portions plutôt longues. La pluie est revenue, nous sommes un peu à l’abri sous les arbres. Ce col se grimpe sous les arbres du début à la fin, les sensations sont différentes. En tous les cas il ne faut pas oublier d’appuyer sur les pédales. J’atteins le sommet, Thibault n’est pas très loin, derrière lui j’aperçois un cycliste. En arrivant, il me partage son énergie déployée pour ne pas être doublé. La monture tout carbone du cycliste est une plume sur une balance et s’apparente à un d’avion de chasse furtif. Il nous demande de le prendre en photo avec la pancarte du col. Un camping car passe. L’air ambiant est humide bien que la pluie ait cessé.
Nous sommes sur une très belle journée en terme de tracé. Le summum est atteint sur la seconde moitié, des routes de montagnes secondaires avec des petits hameaux traversés, le cœur des Pyrénées est ici.
Nous redescendons et décidons d’aller déjeuner à Saint Girons, Ce n’est de nouveau pas un souvenir mémorable. Pour y arriver nous devons emprunter une départementale. Des voitures et quelques camions y circulent. Alors qu’un camion patiente en attendant l’opportunité de me doubler, j’accélère doucement, il me double et je me colle à lui pour prendre l’aspiration, il m’aspire vite, je finis par ne plus pouvoir pédaler assez rapidement, je me laisse décrocher, ça a duré moins d’une minutes mais ça m’a emmené loin ! C’est les petites joies irresponsables.
Des ânes dans un champs.
Nous entrons dans Saint-Girons, nous suivons la trace du GPS ; nous optons pour une brasserie.
Une femme avec un enfant et 2 chiens et puis un chien un peu plus haut. Je suis parti en éclaireur, un chien aboie au loin, puis de plus en plus près, il est dans un enclos extérieur, il aboie, il aboie, il aboie !
L’enchaînement de la route est un cadre de pur plaisir. Je me range pour laisser une camionnette me doubler. Les pourcentages sont inférieurs à 10 %, la pente est régulière.
Je m’arrête pour faire une vidéo, nous longeons un champs avec une vache et un taureau.
Je film Thibault dans le dernier col dans les nuages.
Certainement les plus beaux moments dans les Pyrénées.

Nous profitons des cols gratuits ! Une sacrée récolte ! Un col gratuit c’est un col franchi pendant une descente. Les dernières heures sont magiques, un profond sentiment de plénitude. Foix nous accueille simplement. Avant la descente nous n’évitons pas quelques passage dans les nuages.

Jamal ce fût un collègue puis un ami rencontré dans le Nord. Il a migré à Foix. Une personne qui n’est pas toujours de bonne foi, toujours par pur provocation. Actuellement en colocation dans une grande maison toujours en travaux de finition (et de second œuvre). Après nous avoir proposé son lit, nous optons pour la tente dans le jardin, ça évite le dérangement d’éventuels ronflements et ça nous permet de conserver nos habitudes, c’est pas toujours dit que nous dormions mieux ailleurs que dans notre tente le temps de notre voyage.
Jamal commence par nous donner des cookies de sportifs qu’il a cuisiné, avec du chocolat, des amandes, des graines et des baies, c’est une superbe attention qui nous dépannera par le suite dans un moment délicat.
Une fois la douche prise, nous mettons en route une machine à laver, le grand confort du voyageur à vélo c’est de rouler propre et de sentir la lessive ! Puis nous discutons, je profite du piano présent dans le salon pour jouer un morceau, nous coupons les légumes pour l’apéro, une colocataire cuisine un gâteau, c’est des moments qui coupent de notre journée. échanger, écouter, partager.
Jamal a convié des amis. ils arrivent, nous picorons à l’apéro, buvons la bière, un moment savoureux. Une discussion et un débat autour du végétalisme plus tard, construit avec des arguments entendables, des arguments contestables. Mon positionnement est clair, dans les voyages comme celui-ci je suis là pour découvrir la richesse et l’histoire d’un territoire. C’est bien différent d’un quotidien.
Nous rejoignons nos tentes respectives et sombrons dans un sommeil récupérateur.
jour 7 Ve
Foix -> Malaucène
Le chant du coq
à 5h26, le coq chante trois fois !
La tente est humide
Jamal est là, il nous prépare un thé. Nos vêtements mis à laver hier sont sec, nous enfilons ces douces affaires parfumés de lessive.
J’embrasse Jamal, lui souhaitant un regain d’optimisme pour s’extirper de ce confort mélancolique, nous quittons les lieux, les vélos chargés, nos esprits reposés.
Initialement nous devions pédaler entre Foix et Avignon. Passer le pont du Gard, les arènes de Nîmes, apercevoir les montagnes noires et tangenter les Cévennes. Nous avons trouvé plus sage de revoir notre programme à la baisse, pour nous assurer que ce périple reste un plaisir et nous donne envie de poursuivre encore quelques années. Le passage dans les Pyrénées fût éprouvant. Nous n’oublions pas qu’il nous reste le géant de Provence à gravir, que notre ambition est de le grimper 3 fois.

Finalement nous visons de prendre un train à Castelnaudary qui nous conduira à Avignon. Entre Foix et Castelnaudary, une soixantaine de kilomètre, le train est à 10h54.
Nous avons discuter de ce choix avant notre entrée dans les pyrénéens, au camping de Hossegor L’issue était clair et franche.
Initialement nous devions passer par Castelnaudary,le tracé GPS nous y amène. Nous tournons un peu dans Foix, j’hésite, je me trompe de voie, nous retrouvons la trace.
Nous allons devoir rouler un bon bout de route pour réussir à attraper le train.
Après 18 km , nous sommes face à un homme avec des vêtements de chantier orange fluo, tenant négligemment un panneau interdit. Il nous annonce que la route est fermée un peu plus loin. Je l’interroge sur une éventuelle dérivation, il nous envoie sur la départementale.
J’explore la carte de mon GPS, je débusque un chemin. J’entraîne Thibault. Nous revenons en arrière sur quelques dizaines de mètre prenons à droite et nous nous enfonçons sur un chemin de terre destiné au tracteur. Ces secousses nous donne envie de pisser. Deux arrêts plus loin et après une nouvelle petite bifurcation nous rejoignons une départementale avec de nombreuses voitures. Nous appuyons efficacement sur les pédales pour passer ce mauvais moment.
Les montagnes s’adoucissent, deviennent moins imposantes, s’effacent. Face à nous, la plaine sensiblement vallonnée. La météo est agréable, un début de fringale se fait sentir, nous posons le pied à terre juste après avoir passé La Bastide de Lordat. Nous dégustons les cookies préparés par Jamal. Ils sont savoureux et nous font un bien fou.
Nous poursuivons notre contre la montre, l’heure approche mais nous approchons aussi. Le temps prend de l’avance alors que l’espace nous retarde.
Nous sommes soufflés par un beau vent de dos.
Nous avons besoin d’une seconde halte.
Il est 10h40, un panneau kilométrique est sans appel, 9 km pour atteindre Castelnaudary. Presque réalisable sur le papier. Nous arrivons à la gare à 10h57. Non sans y avoir crue jusqu’au bout. le train est parti il y a 3 minutes.

Il nous faut patienter une heure jusqu’au train suivant. Nous rejoignons une boulangerie pour nous s’asseoir et souffler. Avant cela, nous allons prendre nos billets au guichet, le tarif est dérisoire il nous avait sembler avoir vu des prix plus élevés sur Internet. Soit disant des billets spéciaux mais valable uniquement sur le train indiqué à l’horaire choisi. Nous ne faisons pas la fine bouche.
Sur le quai, Thibault appelle son ami Quentin pour définir le programme. Ce soir nous allons rejoindre le camping de Malaucène, demain nous partirons à la fraîche. Quentin nous rejoindra dans la troisième ascension du Ventoux que nous ferons par Malaucène. Demain soir notre aventure commune prendra fin, physiquement. Il nous restera la belle journée du dimanche pour profiter des Baronnies.
Il est midi. Nous sommes dans un TER bondé ; debout au milieu de l’espace d’entrée du wagon. Nous tenons nos vélo qui nous tiennent en équilibre. Un assemblage de vélo les uns contre les autres dans l’espace dédié au vélo. Deux jeunes cyclistes discutent, l’un des deux dégages une énergie presque envahissante, entre un excès de bienveillance et une joie insolente. L’heure de trajet est éreintante.
Le signal d’alarme est tiré, le conducteur fait une percé dans le wagon pour rejoindre la porte. Il sort, lance un : « Oh ! Vou’z’avez pas bientôt fini !?! »
Le problème est résolu, bonne école de diplomatie, adapter son discours en fonction de la situation !
Une femme avec une poussette réussit à entrer, dans la poussette un chien de poche, suffocant aussi. Plus loin une gare, deux cyclistes sur le quai qui laisseront filer ce train. Dans ma tête un échauffement, quelques profondes respirations pour ne pas oublier qu’il ne s’agit que d’un mauvais moment à passer. Je suis trop grand pour pouvoir apercevoir l’horizon. Tout fini par passer.
Nous avons un transit à Narbonne. Nous descendons du train dans un soulagement. Juste avant l’arrêt nous discutons avec un homme qui nous explique qu’il voyage à vélo avec ses enfants. Il rejoint également Avignon et nous sollicite pour prévenir le chef de train afin qu’il est le temps d’installer les vélos et de faire le transfert.
Le train au départ de Narbonne qui nous va nous amener à Avignon est au départ. Nous sommes les seconds cyclistes à grimper dans le train, nous installons correctement les vélos.
Il y a un VTT de la marque Caminade, suspendu au crochet par la roue avant. Nous optons pour nos vélos de les laisser sur leur deux roues l’un contre l’autre, ça nous semble plus pratique étant donné que d’autres cyclistes vont arriver.
On s’assoie dans un carré, le train se rempli rapidement, un homme âgé installe son vélo avec la béquille dans l’allée.Le père et ses enfants arrivent, imbriquent les vélos comme ils peuvent. Le train se lance, nous avons la chance d’être assis mais le voyage est long, j’ai chaud, le corps est moite.
Nous somnolons, à chaque arrêt le père va surveiller les vélos et les déplace en fonction du besoin de passage. Les enfants ne sont pas du tout aidants, deux ados, un garçon et une fille grands et dégingandés, fixés sur leur smartphone. Le père leur propose des reste de pain à manger : C’est du pain pas sec et de l’eau.

Le train finit pas rejoindre la gare d’Avignon. Tout le monde sort, nous ne sommes pas pressés. On sort les derniers, ça grouille de monde, pas mal de vélos. L’effervescence d’une gare pendant les vacances estivales.
Nous sortons de la gare, nous sommes bousculés par le vent. Un mistral qui siffle, qui pousse les poubelles et les panneaux qui déstabilise les piétons. Je suis surpris. Thibault part à la recherche de toilette pour se soulager, j’observe la foule.
Ce matin nous avons parcouru une soixantaine de kilomètre, il nous reste la même chose à parcourir pour rejoindre Malaucène. Nous avons choisi l’option camping pour plusieurs raisons. Tout d’abord ça nous permet d’être au pied du Mont Ventoux. Ensuite nous pourrons y stocker nos affaires à l’abri pour voyager au sommet plus léger. Quentin, l’ami de Thibault, prévoit de faire la dernière ascension avec nous avant que nous allions chez lui à Mollans-sur-Ouvèze où il réside.
Pour compléter ce programme, l’année dernière, nous avions croisé la route de Michel lors de l’ascension du col du pré et du col de Romme. Thibault était resté en contact via Strava. Michel a conseillé le passage par les gorges de la Nesques.
Étant donné que Thibault a prévu de repartir lundi en train depuis Avignon, il a dessiné un parcours reliant ces deux points, nous avons juste à prendre la trace dans l’autre sens.
La première difficulté est donc de rejoindre la trace car celle-ci part d’Avignon TGV et non pas du centre d’Avignon. Nous partons dans le bon sens, passons les carrefours, la circulation est assez dense, nous roulons sur des routes dégradées. Nous traversons la banlieue d’Avignon.
Les conducteurs ont une tendance à la nervosité ; peut-être est ce mon interprétation après les jours passés à pédaler sur la montagne. Une voiture nous double un peu proche à mon goût, je fais un geste de la main, non déshonorant pour signifier mon mécontentement. La voiture ralentie à une cinquantaine de mètre devant nous. Thibault me prévient : « faut pas trop s’exciter ici, ils ont le sang chaud ». Nous poursuivons, la voiture roule toujours au ralenti à la même distance, on se demande si c’est pour nous mettre la pression. Puis nos chemins se séparent.
Nous abordons un rond point, la trace nous fait prendre une quatre voie. Il fait toujours aussi chaud. Nos corps ne se sont pas encore habitués à la chaleur. Pendant quelques secondes, j’ai le sentiment que Thibault est prêt à se lancer sur la quatre voies. Je m’exclame très vite que dans l’absolu et en fonction de la situation c’est parfois faisable mais là, ici et maintenant, la circulation est trop dense, nous ne sommes pas lucide à 100 %. Je propose donc que nous prenions le temps de regarder sur mon GPS sur lequel j’ai l’ensemble de la carte de France en open source. Nous recoupons l’information avec une application smartphone. Nous constatons rapidement que ça ne va pas être simple. Un enchevêtrement de voies rapides, des zones d’activités, des zones commerciales, c’est grand et totalement inadapté au vélo et au piéton. On décide d’essayer de longer la quatre voie au plus près en prenant des routes secondaires.
Nous avons toujours le vent et celui-ci nous vient soit de face soit de trois quart, dans tous les cas nous devons redoubler d’effort pour avoir l’impression d’avancer.
Ça ne nous emmène pas loin, nous avions espoir que la quatre voies se transforme en deux voies, mais ça ne semble pas être le cas. Nouvel arrêt, Thibault s’agace, c’est des moments difficiles, plus difficile que monter le col d’Aubisque sous la pluie car ici, nous subissons un évènement que nous n’avons pas choisi de vivre, il ne nous fait pas avancer littéralement, il nous fait ralentir dans notre expérience. Je considère néanmoins que ce sont ces instants qui sont les plus constructifs sur le plan mental.
Je repère un itinéraire, j’identifie les numéros de route et les villages à franchir, nous allons construire des étapes et l’ensemble des étapes nous permettra de rejoindre notre destination. Surtout rester calme. Ne pas dépenser de l’énergie inutilement face à des éléments que l’on ne contrôle pas. Nous nous mettons en route, passons en mode rouleur, l’un derrière l’autre, en appuyant comme des damnés sur les pédales, en étant vigilant aux voitures qui nous doublent et aux voitures qui roulent en sens inverse. Ne pas oublier de se faire le plus petit sur le vélo pour limiter la prise au vent. Nous nous doublons régulièrement ce qui permet une alternance dans le niveau d’effort à fournir, celui devant doit lutter contre le vent, celui de derrière profite de l’espace créé, c’est le phénomène d’aspiration en aérodynamique.
À Monteux le plus dur est derrière nous, nous prenons le temps de poser le pied à terre et de sortir les supers cookies pour nous remettre d’attaque. Ça nous fait un bien fou. La suite se déroule sans accro, simplement ralenti par le vent. Nous apercevons enfin le Mont Ventoux qui jusque là était encore caché !
Après un final au profil montant, nous filons sur une belle descente vers Malaucène, nous sommes bien content d’y arriver. Nous avons le sentiment d’atteindre le cœur de notre périple.
Nous faisons un stop à la supérette du centre pour acheter ce qu’il nous faut pour demain. Nous achetons également de quoi nous rassasié dans l’instant. Nous sommes dans une ville agréable, beaucoup de vacanciers qui viennent profiter du coin pour randonner, pratiquer les activités natures que propose le Mont Ventoux. Un petit garçon qui sort du super marché m’observe. Un autre est allongé dans un transat d’exposition alors que ces parents discutent, quand ils partent, j’annonce au gamin que je vais lui piquer la place, il sourit.
Je rachète des piles pour le GPS et la suite du voyage, nous buvons un jus de fruit bleu, un jus de fruit orange.
Nous trouvons le camping, Thibault s’en va gérer les détails administratifs. Ce soir on compte bien prendre place dans un restaurant du centre ville. Implantation de la tente, nettoyage des coureurs, préparation des vélos pour le lendemain.
J’ai une baisse de pression importante dans le pneu arrière, je demande à un couple belge avec un superbe vélo Bianchi la possibilité d’utiliser leur pompe à pied. Il accepte.
Mon pneu arrière est très usé, il ne fera pas beaucoup plus que la triple ascension du Ventoux. J’ai un énorme progrès à faire sur les pneus, partir sur un périple comme celui ci avec des pneus gravel n’est pas la meilleur idée. Thibault a depuis longtemps choisi de chausser les Schwalbes Marathon. C’est lourd, quasi increvable, presque inusable, indulgent sur les chemins terreux, une valeur sûr.
Nous rejoignons le centre et choisissons un restaurant. Une belle soirée, je n’oublie pas la serveuse qui nous a autant surprise que scotchée par son regard. Elle nous a même fait oublier ce que l’on a mangé ! Thibault se remémore 2 bières, peut-être ! Je me souviens que nous étions dans nos pensées cette soirée là. Nous souvenant certainement du trajet parcouru et de la journée du lendemain qui s’annonce monstrueuse. L’esprit à ses divagations qui nous font traverser le réelle dans le brouillard.
Nous avons néanmoins un bel échange avec Thibault, nous sommes profondément bien pendant cette semaine de vélo que nous partageons. Cette année nous avons subit les assauts de la météo mais nous avons su faire un pas de côté pour adapter notre voyage au vue des conditions. Nous avons apprécié le tracé. Le travail en amont est absolument fondamentale pour éviter des passages dangereux, fatiguant, usant. D’autant que nous ne réalisons pas de reconnaissance du parcours comme l’organisateur d’une course, nous découvrons la route quand nous y passons, vérifier l’ensemble de l’itinéraire avec l’option street view n’est pas toujours possible car les routes n’ont pas été reconnues. En compilant différent services de cartographie on arrive à quelque chose d’acceptable. Il faut garder en tête une capacité à bifurquer, à revenir en arrière ou à prendre le risque d’avancer vers l’inconnu !
jour 8
Malaucène -> Mollans sur Ouvèze
Le mont Ventoux et nous et nous et nous
La plus belle journée ? Peut-être. L’attente est une excitation grandissante. Le temps s’efface, l’espace prend place
Après quelques tergiversations nous optons définitivement pour le trajet suivant :
Depuis le camping de Malaucène, rejoindre Bédoin, grimper le sommet, puis redescendre par la même voie pour enchaîner avec les gorges de la Nesque qui nous amèneront à Sault. Nous grimperons donc la deuxième fois en partant de Sault. Nous terminerons par une redescente vers Malaucène pour retrouver Quentin, pour nous lancer dans la troisième et ultime ascension. Nous finirons au sommet pour la photo finish. Il nous restera alors qu’à nous laisser glisser dans la descente de Malaucène pour la seconde fois, retourner au camping, plier bagage. Quentin habite à une dizaine de kilomètre du pied du Ventoux, il est venu en voiture pour nous permettre de finir sans sacoche, ça sera notre petit plaisir de fin de journée !
Nous nous rendrons à vélo, chez Quentin et sa compagne Marianne, en passant par les gorges du Toulourenc.
Voici le plan succinctement exposé. Sachez que sans les détails nous ne sommes pas loin de la réalité.
Comme tous les matins, le réveil sonne, nous enfilons nos cyclistes, ouvrons la tente, la lumière est timide, le soleil va apparaître tranquillement. Nous quittons le camping, nous passons le col de la Madeleine tel une ondulation sur une mer plate. 9 kilomètres plus loin, nous voici déjà dans une boulangerie pour accumuler quelques calories et porter quelques provisions en cas de fringale. J’ai oublié mon masque, la boulangère m’en donne un de son stock personnel. Nous sommes à Bédoin et la journée s’annonce radieuse. Le gâteau aux noix est succulent.
Alors que nous sommes installés sur un banc public, nous observons un spectacle étrange. Un petit chien genre Jack Russel trottine, clopin clopant, au milieu de la route. Telle une vache sacrée en Inde, les automobilistes patientent derrière lui. Le chien fera trois tours de ronde avant que nous partions.
Le soleil resplendit, n’attendant que de réchauffer nos corps sur les versants du géant.

La première partie de l’ascension est protégé par les arbres, nous apprécions la fraîcheur matinale. Les rayons du soleil percent doucement le feuillage des arbres délivrant une douce lumière. Quasiment aucun cycliste, la route est à nous, peut-être croiseront nous une voiture. Sur le bords de la route, à des intervalles réguliers nous trouvons des poubelles. Elles sont munies de paroi relevé pour permettre au cycliste de jeté depuis son vélo ses déchets et ainsi s’assurer que ça aille dans la poubelle. C’est pragmatique comme idée.
Thibault a grimpé le Ventoux il y a quelques années avec Fabien. Fabien avec qui j’ai déjà eu le plaisir de rouler à occasion. Je vous laisse découvrir et chercher dans mes précédents récits.
Il l’avait gravi par deux fois, Thibault était en VTT. Les temps changent.
Nous pédalons régulièrement, nous restons ensemble, nous discutons, nous échangeons, nous partageons un effort commun. Nous attendons que le Ventoux se dévoile.
Nous atteignons le Chalet Reynard, endroit stratégique. On peut y retrouver des forces. Plus que
6 km avant le sommet, 6 km à monter sur une route serpentant au milieu d’une caillasse grise claire, un territoire lunaire sur son aspect de surface beaucoup moins pour la pente à gravir !
Des poteaux noirs et jaunes balise le rebord de la route, 10 mètres séparent chaque poteau. Tous les kilomètres, une borne kilométrique indique l’altitude, les kilomètres restant avant le sommet. C’est aussi sur ces kilomètres que la vue se dégage. Je découvre la stèle de Tom Simpson. J’ai pu découvrir son histoire dans le hors série du journal l’équipe sur le Mont Ventoux.
Nous prenons notre temps avec Thibault, nous allons repasser par cette endroit car le chalet Reynard est aussi l’endroit où se croise les routes qui partent de Bédoin et Sault pour ne former plus qu’une unique voie.

Le col des Tempêtes nous fait basculer vers un autre versant, donnant accès à un paysage à couper le souffle sur toutes les alpes.
Une spécificité des grands cols français, ce sont les photographes qui se placent sur le bas côté. Ils déroulent des banderoles avec le nom de leur site internet. Ensuite avec la date et l’heure n’importe quel cycliste peut retrouver les photos qui ont été prise de sa personne.
https://www.griffephotos.com/folio/7166/media/S35RM62F08C11I8G18M2A4/jbs307362.jpg.html
Sur les 10 derniers mètres je m’arrache pour conquérir le sommet.
Il est 9 heures et j’ai grimpé le mont Ventoux. Le panorama est saisissant. Un pic unique sur ce territoire. Nous distinguons les parcelles avec les routes en contrebas. Au loin les variations de couleur, le relief est aplati. Savoir que nous y reviendrons dans la journée est une facilité pour le quitter.
Une photo devant la pancarte est inévitable.
une file quasi ininterrompue de vélo pendant la descente, un cycliste fait un demi tour devant moi, je descend vite, je sens le vent sur mon visage.
Des hommes, des femmes, des vélos de course à 6000 € des VTT décathlon des années 2000, des jeunes et des moins jeunes, tout cycliste amateur veut monter le Ventoux, peu importe comment, le tout c’est d’être au sommet !
En démarrant l’ascension nous avons pu déterminer la route vers laquelle nous bifurquerons en redescendant pour rejoindre les Gorges de la Nesque. Nous mettrons une 25 minutes pour redescendre la route que nous venons de monter en deux heures.
Les gorges de la Nesque sont une belle découverte, notre parcours se déroule dans le sens du profil montant. Beaucoup de groupes de cyclistes en sens inverse, pour eux, ça roule vite avec un léger vent dans le dos et un profil descendant. Le soleil explose sur les parois rocheuses.
Les premiers champs de lavande et les odeurs enivrante avant d’atteindre Sault. Sault nous accueil par une belle route pentue, la température grimpe en ce milieu de journée. La monté depuis Sault est considérer comme la moins difficile car la route étant plus longue celle-ci est moins pentu. Nous retrouverons la portion du Chalet Reynard jusqu’au sommet néanmoins. Nous sommes doublés par gars avec un maillot de la Jumbo Visma, on trouve qu’il nous dépasse un peu vite …

J’envoie un message sur le groupe Signal que nous avons créés pour avertir Quentin que nous sommes dans la seconde ascension.
Après quelques centaines de mètres je lance mon effort et monte à un rythme plus soutenu.
Je me souviens d’un effort intense mais régulier. Je me rends compte que j’ai plus de mal à me souvenir de cette partie, ma concentration entièrement dédiée à mon effort. J’ai rejoint le Chalet Reynard et puis j’ai doublé toute une série de cycliste. Mon rythme de pédalage toujours régulier en faisant des sauts de puce d’un cycliste à un autre. Thibault a partager mon bonheur du petite vent de dos après chaque virage à gauche qui venait comme nous pousser avec allégresse sur les 6 derniers kilomètres.

Le nombre de cyclistes au sommet a explosé en comparaison de notre première arrivée, la panneau du col est sollicité sans relâche. Thibault me rejoint, satisfait.
Il y a deux ou trois stands de souvenir et nourriture qui se sont installés.
Le soleil est haut dans le ciel, la vue toujours dégagée, les couleurs modifient les perspectives.
Après quelques beaux instants au sommet, il va être temps de redescendre pour se faire un quatre heure à Malaucène avant l’ultime montée.
L’accès par Malaucène est exposé, nous sommes sur de longue ligne droite, pas beaucoup d’arbre, mais des belvédères qui offrent un spectacle sensationnel. Je me laisse filer, me fait doubler par des voitures dans les lignes droites et les redoublant dans les passages plus sinueux sur le bas de la descente. Après les 3 heures d’ascension depuis Sault, la descente vers Malaucène est avalée en 30 minutes.
Nous rejoignons le centre ville de Malaucène et nous prenons place à la terrasse d’un café glacier. Je me laisse tenter par une coupe glacé et une eau gazeuse. Quentin nous répond qu’il est dans la côte, nous ne l’avons pas aperçu. Il a préférer prendre de l’avance quand il s’est rendu compte que nous suivions notre programme de près. Nous réglons l’addition puis l’heure est venue de partir à l’assaut de la troisième et ultime ascension par la route de Malaucène.
Pour l’avoir descendu une demi heure plus tôt nous savons ce qui nous attend et c’est pas simple pour moi sur les 5 premiers kilomètres, je ne trouve pas le rythme, il fait chaud et le soleil nous tape. Peu de voiture et peu de vélo cette fois ci, nous sommes plutôt isolés. Nous sommes poussés par l’élan de rejoindre Quentin, quelque part un peu plus haut. Thibault roule devant, je fais l’élastique, c’est dur en ce début de troisième monté, le corps est lourd, la respiration hachée, le cardio saccadé. Au bout de plusieurs kilomètres où j’ai tenté comme j’ai pu de tenir la roue de Thibault, je retrouve mon rythme. Je devance Thibault de quelques dizaines de mètre. J’aperçois une centaines de mètres plus loin un cycliste. Il semble que ça soit un VTT, c’est avec ce genre de vélo que Quentin a prévu de monter.
Hier il y a eu quelques échanges sur l’origine d’un craquement de pédale. La situation s’est conclue après une savoureuse tentative de démontage.
Un peu avant que je n’arrive à la hauteur du cycliste, j’entends Thibault qui crie « Quentin !, Quentin ! »
Je le salue en arrivant à côté de lui, on se présente la situation n’est pas la plus avenante. Thibault nous rejoint, nous moulinons, Quentin mouline encore plus que nous, tout est à gauche pour lui comme pour nous. Son VTT lui offre un développement ridiculement petit comparé à nos gravels qui sont sur un développement de 1. Un tour de pédale, un tour de roue. C’est dur de le suivre. Le vélo de Quentin produit, toujours, un petit claquement à chaque tour de pédale.
Nous repartons de l’avant après que Quentin nous ait indiqué qu’il n’était pas certain d’aller au sommet.
Les derniers kilomètres se roulent sur un bitume lisse, cela diminue les frottements des pneus. J’ai d’ailleurs remarqué la veille que mes pneus, et en particulier le pneu arrière, étaient en fin de vie. Ces pneus ne sont pas adapté à autant de route, la géométrie et la gomme sont plus conforme à un terrain de graviers et chemin de terre. D’autant plus qu’avec les cols que nous avons grimpé, le pneu arrière est très sollicité à basse vitesse, le couple est important, et l’effort d’adhérence entre le pneus et la route est élevé, laissant de la gomme sur la route.
Sur le Ventoux nous avons croisés les aficionados de Vespa. Le club « Vespassien ». Des personnes qui parcourent les cols de France et d’ailleurs sur des Vespas. Un petit jerrican d’essence, un petit casque et une allure souple et décontracté.
Nous arrivons pour la troisième fois au sommet du géant de Provence. Quelques moutons sont présents sur les pentes rocailleuses, c’est inattendu. Un plaisir et une chaleur intérieure m’envahissent. Nous demandons à un couple de nous prendre en photo, les trois doigts en l’air et un grand sourire nous barrent le visage. La ferveur de la mi journée est retombée, les stands de souvenir plient tranquillement bagage, les cyclistes sont moins nombreux. L’action au sommet du Ventoux est sans cesse renouvelée, cette montagne à toujours attiré l’humain qui s’en être servi comme station météo.

Quentin s’est arrêté un peu plus bas, il nous attend pour redescendre. L’effort de long court produit toute au long de la journée commence à se faire sentir dans nos corps. Il nous reste un petit bout de route pour clore cette journée.
Les derniers instants au sommet sont émouvants, le regard au loin, identifiant les territoires qui s’ouvrent devant nous. Souhaitant se souvenir de ce moment. Je repense à la semaine que nous venons de pédaler, l’enchaînement dans les Pyrénées. Ce n’est pas rien de traverser tout ces quotidiens pour en faire notre aventure.
Nous redescendons, la température est encore idéal, même à 1900 mètres d’altitude. Je montre à Thibault les moutons en redescendant.

J’aspire l’air intensément, me délectant de cette dernière longue descente.
Nous retrouvons Quentin. Nous filons, je défile à l’avant, laissant les deux amis à leur retrouvaille.
Je prends mon pied, je m’arrête à l’extérieur d’un virage pour apercevoir l’horizon. Je me laisse glisser vers Malaucène, prenant parfois la position de « Mohoric ». Cette position consiste à s’assoir sur le tube supérieur du cadre et de se caler la tête dans le guidon au sens propre. L’union cycliste international à récemment interdit au coureur de se placer ainsi en cours officielle.
Je ne vois pas les deux compères arriver, je leur envoie un message pour leur dire que je me rends au camping.
2 heures d’effort pour atteindre le sommet et 35 minutes pour retrouver le camping.

Mes deux compères retrouve le camping, nous plions bagages puis nous nous dirigeons vers la voiture de Quentin. Il charge toutes les affaires et pose son vélo sur le porte vélo. Thibault proposait de passer par les gorges du Toulourenc cependant étant donné la journée et l’heure, je propose que nous fassions au plus court. Après discussion c’est validé. Nous prenons la route de Mollans sur Ouvèze, nous enfilons notre costume de contre la montre et nous déroulons. La chance nous sourit, nous passons un nouveau col gratuit. Quentin nous double en voiture et nous atteignons notre objectif quelques minutes après.
Marianne, la compagne de Quentin nous accueille, on partage notre aventure de la journée. La famille de Marianne est originaire du coin, ils cultivent des abricots, des olives et des prunes. Nous sommes en pleine période de récolte, cueillir les abricots, les passer dans la chaîne de calibrage et remplir les cagettes sont les tâches du moment. Toute la famille est réquisitionner pour participer à ce moment important, fruit d’un travail de toute une année. D’autant plus que les mois de printemps avec les gelés tardives on abîmé une grande partie des arbres et des fruits. La récolte est loin d’être bonne.
Avant l’apéro, la douche est un passage obligé pour ne pas indisposé nos hôtes avec notre odeur de sueur !
La soirée est tranquille et très agréable, les souvenirs du passés sont partagés comme lors de retrouvailles entre amis. Marianne nous redonne quelques éléments sur ses activités de cultures fruitières. Nous programmons de venir donner un coup de main demain matin. Une excellente manière de découvrir les richesses d’un territoire et d’un patrimoine, nous aurons également le temps de partager.
Cette fin de périple s’annonce divine, découvrir le parc naturel régional des Baronnies avec Quentin. Il est d’ailleurs responsable des questions d’écologie, chargé de développer, porter, et promouvoir les projets du site remarquable, tout en veillant à sa préservation.
La journée se clôture dans un restaurant de Vaison-la-Romaine : du vin du coin et des planches mixtes/ tapas, repas savoureux, échange délicieux ! J’assouvis ma curiosité en usant et abusant de mon outil favori :la phrase interrogative !
En guise de dessert nous prendrons une glace artisanale sur la place animée de Vaison-la-romaine, la-bas ça danse, ici ça discute.
La fin du périple est belle. Sûrement la plus belle fin de périple que nous n’ayons jamais partagée.
Jour 9
la récompense
Réveil tôt le matin chez Quentin. Marianne est partie bien plus tôt encore pour rejoindre son frère et attaquer la cueillette des abricots.
Nous prenons le temps d’un bon petit déjeuner.
Puis il est temps de découvrir une nouvelle activité : la cueillette des abricots. Nous arrimons les vélos sur la Clio, note destination est la Batie-Verdun au cœur des Baronnies. Sur la route, j’achète une carte postale à Buis les Baronies. Nous filons entre lavande et abricot, la voiture va vite.
L’arrivée sur site, les explications sur la cueillette : des abricots de super qualité, devant être cueilli au bon moment : pas assez mûr et c’est le prix et le goût qui risque d’être dévalué, trop mûr et c’est l’attaque du drosophile qui risque d’anéantir les efforts.
Une année difficile pour les abricots : le gèle au printemps, la météo des dernières semaines.
La période de récolte peut varier d’une vallée à une autre mais également dans la même vallée. En fonction des déplacements de l’humidité et de la température, les abricotiers réagissent. La récolte se mène en plusieurs fois pour avoir une qualité de maturation identique sur l’arbre. Les abricots en hauteur et exposés au soleil sont mur avant les abricots au bas de l’arbre.

Le frère aîné est également arboriculteur, la récolte à eu lieu quelques jours avant. Le frère cadet en allant aider son aîné s’est retrouvé en difficulté sur sa propre récolte, il a fallu de la main d’œuvre pour rattraper le retard. L’esprit de famille est ici essentiel pour aider sur cette période qui vient récompenser l’année de travail !
Je retrouve l’esprit des vendanges.

Le midi est un repas commun et partagé, préparé par la mère de Marianne : salade de haricot, agneau et flageolet, melon. La maman au petit soin, le papa rigolard. La sieste est de rigueur et fait parti de l’enchaînement, dans la maison au frais pour certain, à l’ombre des arbres pour d’autres, à l’ombre des murs pour Thibault et le chien.
Le programme de l’après -midi nous ramène à nos vélos; Quentin va nous faire découvrir les environs. Le frère cadet nous indique un itinéraire VTT. Dans l’ordre : une montée par la route, puis par les chemins DFCI, une rencontre avec un patou pas tout jeune qui se repose à l’abri d’un buisson, la crevaison entraînant la pause madeleine / bonbons, le passage ultra chaotique sur les crêtes dont 95% à pied, la descente engagée et le final sur la route.


Pour conclure cette journée, nous nous retrouvons tous les 4 autours pour une soirée tranquille après une journée riche en rencontre et en activité.
Un grand merci à Quentin et Marianne pour l’accueil et la simplicité des échanges. Une note particulière pour le vrai lit.
jour suivant
Parce que tout recommence
Ce matin Thibault a un train à Avignon et moi j’ai des kilomètres pour rejoindre l’Aveyron.
Nous nous quittons simplement, avec une certitude : ce n’est pas la dernière fois que nous irons rouler l’aventure ensemble.
Je reste devant le garage de Quentin pour prendre le temps de faire un état des lieux et un rangement précis de mes affaires. Quentin part au travail, Marianne est déjà partie aux abricots, Thibault s’en va rejoindre la galère de Carpentras pour éviter la galère d’Avignon. Une pointe d’émotion mêlé à une sensation d’exaltation. Mon aventure n’est pas fini et ce que nous venons de vivre décuple l’envie.
Mes affaires sont étalés au sol, tout est sec. Je plie, je range, j’arrime, je serre. Je ferme le portail, puis je pars, le programme est grandiose : les gorges de l’Ardèche, les gorges du Tarn, le massif central, le Cantal, les Puys, forêt de Tronçais, le Gâtinais, la Picardie …
Pour le moment il va falloir que je lave mon vélo, que j’achète et change mes pneus qui sont totalement hors service et que j’achète une nouvelle pompe à vélo.
Un autre récit de poésie.
Un avis sur “De limoges au Ventoux avec une incursion pyrénéenne”